“Ann kole zepòl pou Ayiti dekole” est le thème retenu pour le carnaval national en Haïti qui se déroulera les 14, 15 et 16 février prochain à Port-de-Paix. Dix-sept groupes musicaux seront sur le parcours. Ils sont entre autres, Tabou Cambo, T-Vice, Sweet Micky, Harmonik, Ekip, Enposib et Djakout #1. S’il y a des ténors comme le groupe Kreyòl La et Barikad Crew qui brilleront sûrement par leur absence sur le macadam de Port-de-Paix, des Haïtiens brillent aujourd’hui par leur absence dans la vie et le cœur de leur famille, en raison de l’insécurité qui ne les a pas épargnés.
Le carnaval national a toujours été un rendez-vous annuel pour des groupes musicaux, des artistes, des carnavaliers et même des commerçants qui y trouvent le moyen de faire leur beurre. Le plus grand événement culturel du pays est aussi un rendez-vous économique de taille, un espace idéal pour la promotion et la valorisation de la culture haïtienne. Dans tous les pays qui fêtent le carnaval, ces festivités sont planifiées de manière à contribuer non seulement au rehaussement de la culture mais aussi de l’économie. Dans les années antérieures c’était aussi le cas d’Haïti.
Cependant, depuis belle lurette, le carnaval est devenu une activité déficitaire et politique pour Haïti et cet état de fait s’altère graduellement au fil des ans. Utilisé pour calmer les foules ou pour servir de diversion politique, ces festivités pèsent de moins en moins dans la balance du progrès. Cette année est encore pire en raison de l’insécurité qui monte en flèche et de l’incapacité de l’État à faire face. Le carnaval est-il possible dans ces situations?
Depuis quelques années, il est devenu un outil de propagande politique ou un message pour dire à l’international que tout va à merveille en Haïti. Il semblerait que c’est encore le cas cette année.
Aujourd’hui personne n’est en sécurité chez soi, voire dans des espaces publics où des dizaines de milliers de personnes sont amassées et se divertissent. Les gangs armés sèment la terreur partout, le kidnapping est à la mode, le Covid 19 est encore présent. Peut-on parler de carnaval dans pareille situation?
Du 31 décembre 2020 au 31 janvier 2021, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a recensé un total de 1 565 nouveaux cas de contamination liés à la Covid-19, soit une augmentation de 15.45%. Pas moins de 9 décès ont été enregistrés.
À la fin de l’année 2020, le nombre de cas Covid-19 détectés en Haïti s’élevait à 10 127 personnes infectées, avec 236 décès enregistrés. Le bilan du 31 janvier a présenté un chiffre de 11 692 personnes infectées par le virus avec 245 décès. Le tableau présente plus de 1 500 nouveaux contaminés et 9 nouveaux décès.
Dommage on ne divulgue pas ces informations qui pourraient peut-être aider la population à se protéger contre la maladie. Les rassemblements, les manifestations persistent. Le carnaval qui est la plus grande manifestation culturelle du pays avec un nombre très élevé de participants est maintenu le week-end prochain à Port de paix sur le sang des victimes de l’insécurité. Avec le haut risque de contamination qui pourrait échapper au contrôle de l’Etat.
D’un autre côté, depuis l’année 2020 à ce début de l’année 2021, les actes de criminalité, incluant le kidnapping se multiplient dans le pays, notamment dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Malgré les promesses, et quelques opérations menées par la Police nationale les gens ont comme l’impression que la situation n’est pas sous contrôle. Les nombreux crimes qui continuent à se faire dans le pays en attestent.
Le carnaval se déroulera au coeur d’un pays qui n’est ni dirigé ni administré, encore plus il est gangstérisé. Les priorités des dirigeants ne sont ce dont le pays a vraiment besoin. Danser au carnaval sur le sang de nos frères est la pire des méchancetés humaines.
Ivy YACINTHE
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