Nous, les Professeurs signataires de la présente, apportons notre soutien aux mobilisations du peuple, et réclamons, avec ces millions de protestataires, la mise à bas de l’actuel Système, et la reddition de compte de toutes les personnes soupçonnées de dilapidation des fonds publics.
Depuis 1804 à nos jours, le pays connait de nombreux régimes politiques sans jamais réussir à mettre en place un Système juste qui garantit un minimum de bien-être pour tous. Mais, depuis environ sept (7) mois, Haïti connait une aggravation des tensions politiques sans égale et une recrudescence de l’insécurité. Citons, par exemple :
- Nombreuses manifestations populaires réclamant une meilleure condition de vie, la reddition de compte, le procès Petrocaribe, avant de se transformer en soulèvements antigouvernementaux ;
- Brutalité policière (et même, parfois, des mercenaires étrangers engagés) contre les manifestants ;
- L’actuel Sénateur de l’Artibonite, surnommé Tiblada, est un exemple parfait de banditisme d’Etat. Il continue bizarrement à siéger (comme Honorable avec les multiples avantages, disons-nous, immérités) au bureau du Sénat lors même qu’il avoue qu’il entretient des fréquentations douteuses avec un chef de gang activement recherché par la Police nationale2 ;
- Le pays est comme placé actuellement sur un volcan notamment par suite de la publication, par la CSCCA3, du second rapport sur l’affaire Petrocaribe où le Président de la République, lui-même (désormais contesté), est impliqué jusqu’au cou avec, notamment, le fameux dossier AGRITRANS et BETEXS S.A. ;
- Etc.
Nous avons l’impression que le pays descend ces derniers jours aux enfers. Mais, notons qu’est largement responsable de ces fâcheuses situations, le mépris des pouvoirs publics face aux demandes constantes des protestataires (qui exigent, en fin de compte, la démission du Président épinglé dans des scènes de pillage) de traduire en justice les personnes indexées dans les rapports.
Jamais, les termes « manifestation massive » et « pays lock » n’ont été plus à la mode qu’aujourd’hui. Les 6, 7 et 8 juillet, 24 août, 17 octobre et 18 novembre 2018, les 7 février et plusieurs jours après, le 9 juin 2019 jusqu’à aujourd’hui, les rues sont occupées massivement, le pays est bloqué et les activités paralysées sous le poids de la fureur légitime de la population, rien que pour exiger le renversement du Système qui se présente tel un moyen artificieux, ambivalent accouchant et entretenant les deux cas de figure du bien et du mal : une manœuvre d’enrichissement et de protection d’un petit groupe et, en même temps, un châtiment effrayant infligé à la grande majorité. Le peuple est plus que jamais déterminé à poursuivre ses mobilisations pour obtenir un changement radical du Système dans toutes ses composantes, et reste motivé aussi longtemps qu’on tarde à prendre en compte ses revendications et ses droits d’être entendu.
Mais la crise est avant tout économique : la pauvreté, le chômage, la précarité des moyens d’existence, le manque ou l’absence de services de base (électricité, eau, etc.), etc. la fameuse infortune de la plus forte portion de la population ; les infrastructures (service de santé, éducation, routes) se révèlent d’un goût amer ; le travail pour les jeunes est quasi absent dans le pays (même les diplômés sont en ce sens aux abois) ; la majorité de la population crève de faim ; environ 60% des citoyens vivent en dessous du seuil de la pauvreté ; les fonctionnaires ne reçoivent pas à temps leur rémunération (sans cesse dépréciée avec l’inflation grandissante).
Dans le même temps, une minorité de profiteurs de l’Etat (Présidence, Parlement, Gouvernement, notamment), sont tous pris en charge par le trésor public (alimenté par nos pauvres taxes) : deux résidences, frais de recharge téléphonique, frais pour deux véhicules, consultants, chauffeurs, agents de sécurité, frais de carburant, nourriture, frais journaliers pour les voyages « à l’intérieur du pays ou à l’étranger4 », frais de fonction (pour certains ministres), indemnité mensuelle pour les travaux en commission, indemnité octroyée pour les fêtes de champêtre et de pâques, dépenses courantes, frais fixes, prime de départ (pour les ministres), sans compter leur salaire faramineux5 et des revenus tirés des faits de subventions diverses, injustifiées, et de corruptions (comme « partage de responsabilités6 », par exemple) qui méritent d’être tenus en horreur dans un pays d’extrême pauvreté où une large fraction de la population croupit dans une misère dégradante et ignoble.
Nous supportons donc le peuple de toutes nos forces dans son combat contre ce Système qui s’impose finalement en véritable générateur d’injustices sociales et de corruptions les plus abjectes. Le pire, c’est que, ces pouvoirs publics, placés, eux-mêmes, au centre d’un dispositif de malversation et de crimes de péculat, se montrent défaillants quant aux demandes insistantes du peuple d’une répartition équitable de la richesse du pays, et de traduire en justice les personnes dénoncées notamment de l’affaire Petrocaribe.
Nous exigeons donc que la justice soit appliquée contre TOUS les dissipateurs des maigres ressources du pays. Qu’ils partent tous ! On en a marre de l’insécurité impunie, du gaspillage et de la dilapidation des fonds publics. On a horreur du Système qui se transforme de temps à autre en stratagème de protection d’une poignée de profiteurs (souvent mômes du secteur privé et de la communauté internationale). On en a gros sur le cœur devant ces spectacles hideux qui crachent, à longueur de temps, sur notre dignité de peuple. On en a assez de ces associations de mangeurs d’espoir (Présidence, Parlement et Gouvernement notamment) qui, pour ne rien faire, engloutissent, chaque fois davantage, l’argent des contribuables jusqu’à s’en faire péter la sous-ventrière quand la majorité de la population vit avec le ventre plat. Nous disons donc, de toutes nos forces physiques et morales, NON à cet engrenage infernal et morbide, largement responsable de l’état calamiteux des gens de la population. Partez donc toutes, tous, Mesdames, Messieurs, et rendez des comptes !!!
NB. Déjà au centre de mûres réflexions et, sous peu, en route de notre part : une proposition de sortie de crise…
Fait à Limonade, le 18 juin 2019
Les Professeur-e-s signataires
1- Jean Gardy ESTIME
2- Isma EDLY
3- Windy SAINVIL
4- Jean-Lucien LAURATY
5- Patrick TELEMAQUE
6- Monès DORCINVIL
7- Walter LAMY
8- Jean Marc VOLTAIRE
9- Junior LOUIS JOSEPH
10- Maccène GUILLAUME
11- Jacques Emmanuel DESIR
12- Warson JEAN-PHILIPPE
13- Roodly Ruben AUGUSTE
14-Jean Samuel AUGUSTE
15- Milou REZIAC
16- Yves François LEMEUBLE
17- Rénardo JOSEPH
18- Ezéchias FRANÇOIS
19- Estive GERMAIN
20-Jean Max DEROSIERS
21- Clarens LINDOR
22- Emmanuel MATHIEU
23- Amos SIMON
24- Paul GUERRIER
25- Roseline Jean-Baptiste ESTIMABLE
26- Walnes HERARD
27- Boutros Jasmin OSIRUS
28- Evenel MICHEL
29- Wisline CHARLES
30- Thervilson MULATRE
31-Jackson BOYER
32- Robergeau FRANÇOIS
33- Brunel JOSEPH
34- Bertumeau FABRE
35- Willy PIRRE
36- Jusline RODNÉ/JEANTY
37-Jean Rouzier CLAIRCIDOR
38- Dieupuissant FLORIDA
39- Pierre Juno BERJUSTE
40- Nixon JEANTY