« Chili n’est pas vraiment la terre promise qu’on nous a vendu. J’ai passé 11 mois là-bas et j’ai travaillé que pendant quelques jours », raconte un jeune homme déçu de ses conditions d’existence. « J’ai sauté sur cette occasion parce que je vivais dans la misère. On dit que le Gouvernement Chilien va stopper ce programme, dans ce cas des Haïtiens vont se suicider », a-t-il poursuivi.
Ce jeune qui parait être dans la trentaine, fait partie des 181 Haïtiens, ramenés par un avion militaire, qui ont préalablement signé le programme de retour volontaire dans leur pays d’origine. En signant ce document, ils acceptent de ne pouvoir retourner au Chili qu’après 9 années. Ces migrants ont été accueillis par le directeur général de l’Office National de la Migration (ONM), qui n’avait aucun support technique à ses côtés.
2h45 de l’après-midi, les journalistes se sont massés au niveau de la section « arrivée » de l’Aéroport International Toussaint Louverture en quête d’informations. Comme le premier débarquement le 7 novembre dernier, des hauts placés de l’aéroport essayaient de faire diversion – en dirigeant les professionnels de la presse vers l’aérogare Guy Malary.
« Selon les conventions internationales signées par Haïti, nous ne pouvons pas vous donnez accès à l’intérieur pour filmer la piste pour des raisons de sécurité », conte un responsable du Gate 7 qui a pourtant laisser passer des médias pro-gouvernementaux.
Aux environs de 4h30 de l’après-midi, les premiers ressortissants Haïtiens, majoritairement des jeunes, arrivaient à la porte de sortie surpris par des journalistes. Avec de grosses valises, le visage couvert de honte, ces migrants étaient complètement abandonnés, sans aide d’un psychologue ou d’un travailleur social.
Stigmatisés et ridiculisés par les porteurs de mallettes de l’aéroport, la plupart des migrants étaient hostiles et catapultaient des slogans de haine envers la société haïtienne. « De retour en enfer », a lancé le premier arrivé.
A quelques mètres de la porte d’arrivée, Bernadette est assise tranquillement avec ses quatre malletes et un sac à main. Agée de 38 ans, elle est enceinte depuis 6 mois et a choisi de retourner en attendant d’aller retrouver son conjoint en République Dominicaine. Les pieds enflés, les yeux remplis de larmes, elle attendait un proche qui vit dans la capitale avant de se rendre à Belladère, sa ville natale.
« Il fait vraiment froid au Chili et il n’y a pas assez de boulot pour tous les Haïtiens. J’ai perdu mon investissement », a-t-elle confié. « La République Dominicaine est mieux que le Chili, je préfère recommencer à zéro chez nos voisins ».
Dans le parking, un autre jeune supporté par des particuliers tentait de rentrer en contact avec un ami qui devrait passer le chercher. « Je suis un grand producteur de Clairin St Michel. J’ai dépensé plus de 200 mille gourdes pour aller vivre comme un parasite au Chili », confie-t-il avec dédain. « Aujourd’hui, je décide de reprendre l’entreprise familiale dans ma province ».
Le sénateur de l’Ouest Patrice Dumont se trouvait à l’accueil et aidait une personne à mobilité réduite. Bel coup de projecteur pour un politicien! Le parlementaire pense que le gouvernement doit attribuer une enveloppe à ces migrants et doit en toute urgence planifier le retour des ressortissants Haïtiens.
« Nous devons nous préparer puisqu’il y aura d’autres retours volontaires et des déportations venant d’autres pays », prévient l’ancien chroniqueur sportif.
A quelques mètres de Patrice Dumont se trouvait le Directeur Général de l’Office Nationale de la Migration (ONM) Eud Lajoie, visiblement dépassé par la situation. « Je n’ai reçu le manifeste de voyage que dans l’après-midi, je ne pouvais pas faire le suivi avec mes supérieurs parce qu’il était trop tard », prétexte-t-il.
Peu avant la tombée de la nuit, un représentant de l’organisation de défense de droits humains était en altercation avec Eud Lajoie parce que ce dernier ne voulait pas embarquer un migrant dans sa voiture pour le déposer chez lui non loin de l’aéroport.
Le directeur de l’ONM invite le gouvernement à redynamiser le conseil d’administration de l’institution pour mieux gérer ce genre de situation. Il avance que les migrants qui sont en difficulté sont accueillis dans un centre d’hébergement à Lilavois, qui peut recevoir jusqu’à 300 personnes. Alors que tout le monde sait que le centre ne fonctionne pas, puisque l’ONM est en conflit avec le propriétaire de la maison, qui a déclenché un processus de déguerpissement.
Sur les lieux, ce sont les membres du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) qui assuraient un minimum de prise en charge. Appels téléphoniques, moyens économiques pour payer le transport, supports moraux… Cette structure a joué le rôle de l’Office National de la Migration qui n’existe que de nom.
Toujours selon Eud Lajoie, 18 autres vols sont programmés par le gouvernement chilien. Faisons un calcul élémentaire pour voir la fuite de capitaux: 20 vols pour un effectif de 180 migrants, qui donne un total de 3,600 personnes. Chaque voyageur a dépensé un minimum de $3,500 US, qui est évalué à plus de $ 12 millions américains.
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