Le groupe MagHaïti a rencontré l’analyste politique, Ricardo Germain, ce mardi 13 juillet 2021. Questionné sur la situation socio-politique du pays suite à l’assassinat du Président Jovenel Moïse, il a donné son point de vue.
En dehors de sa qualité d’analyste politique, Ricardo Germain est également chef de service de la Coopération multilatérale au ministère de la Planification et de la Coopération externe et ancien contractuel au ministère de la Défense. Stagiaire à IRIS SUP (l’école de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques sise à Paris), il a une formation en sciences politiques, a été auditeur en études stratégiques, défense et sécurité au Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) à Paris
En ce qui a trait à sa perception sur l’assassinat de Jovenel Moïse, l’analyste politique croit qu’on ne peut prétendre avoir une perception qui ne serait pas, à tous les coups, erronée sur l’assassinat du président. Selon lui, toutes les hypothèses paraissent tenir, et au fur et à mesure qu’on avance, se contredisent. “Le mieux c’est d’attendre le résultat de l’enquête même quand là encore, des doutes, des spéculations et des contradictions vont se maintenir. C’est toujours ainsi dans ce genre de crime. Des théories restent légions sur la mort de Kennedy, et là, plus près de nous, on continue à débattre sur la version officielle de la nouvelle de la mort du président Tchadien Idriss Déby. Toutefois, cet événement déplorable qui s’est produit en Haïti devrait nous amener à réfléchir davantage sur la faiblesse de l’appareil sécuritaire de l’Etat et le cannibalisme politique des acteurs haïtiens.”, a-t-il avancé.
Selon Ricardo Germain, l’enquête paraît avancer rapidement, tant du côté national que du côté colombien. “Tout porte à croire qu’il y a une réelle collaboration entre les pays concernés par cet assassinat. Si clou il va y avoir, ce serait plutôt à la tenue du procès.” Pour lui, chaque réponse apportée par les accusés à ce moment-là sera explosive, et les verdicts qui en sortiront les seront encore plus.
Émettant son avis sur les réunions de la délégation américaine avec les principaux acteurs politiques Haïtiens, il a affirmé que les États-Unis ne font qu’entretenir leur pré carré en Haïti. Il croit que ces derniers ont toujours joué un rôle d’arbitre dans les crises politiques haïtiennes durant les trente dernières années. Sauf qu’il s’agit d’un arbitre qui a l’habitude de prendre son parti et qui n’aime pas voir trop durer les négociations. “Bourik chaje pa kanpe disait l’ambassadeur Américain Alvin Adams au gouvernement de Prosper Avril en 1990. Et depuis lors, cette expression est comme devenue une doctrine.”, explique t-il en optant pour la thèse qu’un accord sera rapidement signé en vue de permettre la réalisation des élections et la relance des institutions.
“Les élections représentent l’unique voie constitutionnelle d’avoir un président et renouveler le parlement. C’en est donc une condition sine qua non, qu’importe le moment où on va pouvoir réaliser le scrutin. Cependant, il y a une constante. Les élections se révèlent toujours génitrices de crises en Haïti. Les prochaines élections, au regard de la tendance depuis en l’an 2000, risquent d’avoir un faible taux de participation, et engendrer par voie de conséquence un problème, non pas de légitimité comme certains aiment le dire, mais de représentativité.”, a déclaré l’analyste politique.
Sur l’interrogation de lequel détient la légitimité de diriger le pays entre le premier ministre a.i Claude Joseph et le premier ministre nommé Ariel Henri, il a enchaîné pour dire que les acteurs connaissent la réponse, du moins les juristes bien qu’ils sont capables d’en donner chacun des interprétations différentes. Cependant, cette situation n’est pas sans rappeler, d’après lui, l’histoire de Fritz William Michel qui était premier ministre nommé et Jean Michel Lapin premier ministre a.i en même temps.
Par ailleurs, au questionnement du choix de Joseph Lambert comme président provisoire dans le pays, il a répondu que pour parler de président, il faudrait déjà qu’il y ait une investiture. Ce qui n’est pas encore le cas. “Au lieu de choix comme président, je préfèrerais dire choix pour devenir président. Et l’aboutissement de ce choix, personne n’est en mesure de le prédire si ce n’est pour manifester un soutien.”
En outre, Ricardo Germain confie qu’il n’a aucune proposition de sortie de crise car à chaque crise en Haïti, les propositions ne manquent pas. C’est de les appliquer l’immense défi. Ce à quoi les acteurs n’ont jamais été prêts.
”Toutefois, je souhaiterais lancer un appel à la transcendance. Haïti peut disparaître, et de fait commence à disparaître. La vie collective n’est plus. L’âme de la nation nous échappe. Et il n’y pas meilleur sacrifice que de sauver la vie du pays”, a-t-il conclut.
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