Le 6 juillet 2018, un vaste mouvement de contestation surgit et a défié tous les canons traditionnels de pouvoir politique en Haïti ainsi que des cartes diplomatiques des puissances tutélaires ayant assuré le contrôle de cet Etat caribéen. L’extinction de l’Etat oppresseur vieux de plus de 200 ans constitue la toile de fond des revendications du peuple haïtien, en la circonstance. Entretemps les groupes oligarchiques continuent à assurer l’intermédiation des intérêts du capitalisme international, limités à une position de subalterne. L’absence de bourgeoisies nationales vient compliquer la situation pendant qu’il y a lieu de faire prévaloir le respect du principe de l’intérêt national dans les relations internationales. Ainsi assistons- nous à une polarisation des intérêts du peuple versus ceux des oligarchies associées aux représentants des puissances dominantes en question, réunies dans le Core Group composé de la représentante du Secrétaire Général des Nations Unies , des ambassadeurs des Etats Unis, du Canada, de l’Allemagne, du Brésil, du représentant de l’Organisation des Etats Américains (OEA), d’Espagne, de l’Union Européenne, de France.
Si, dans la conjoncture actuelle, le mouvement de contestation populaire est fort, l’enracinement des mécanismes de perpétuation du système dans le maintien d’un Etat prédateur garantit une position confortable du pouvoir politique en place, en dépit de l’acuité de la mobilisation populaire qui exige la démission du président en exercice, des parlementaires et/ou du président de la Cour de Cassation et du Conseil Supérieure du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Il y a lieu de noter que ce mouvement tend à se développer exclusivement dans les limites de l’espace national, avec une caisse à résonnance dans quelques initiatives volontaristes de Groupes d’Haïtiens de la diaspora à Floride, au Canada ou en République Dominicaine. En effet, les expériences de luttes populaires et politiques en Haïti ont connu une fracture, depuis les années 2000.Ce qui laisse le champ libre et exclusif aux organes officiels dans l’exercice diplomatique et, ce, au détriment de l’intérêt national exprimé par les différents groupes, secteurs et institutions de la communauté nationale.
L’Etat haïtien, d’une tradition diplomatique centrée sur la promotion des droits à l’autodétermination de peuples et la non ingérence dans les affaires internes des autres Etats, opte pour l ‘amateurisme faussement assimilé au pragmatisme. Tout s’est vacillé depuis le vote du 10 janvier dernier, dans le cadre de l’Organisation des Etats Américains(OEA) contre les élections de la République Bolivarienne ayant porté au pouvoir le président Chaviste, Nicolas Maduro que l’ambassadeur de l’Etat haïtien a appuyé un mois déjà. Aussi les représentants haïtiens se sont- ils abstenus d’appuyer la Palestine, ce qui est inédit dans l’histoire diplomatique de cet Etat qui a promu l’humanité. Ce sont déjà les premiers points de dérives de la diplomatie haïtienne. Au prix d’une diplomatie à la remorque, le pouvoir politique contesté s’échange jusqu’à concurrence du maintien au pouvoir de son chef.
Entretemps le mouvement populaire et politique n’a pas su profiter des atouts de la solidarité des peuples en associant à la mobilisation nationale la dimension internationale. Ce vide s’explique dans le délitement des internationales avant la Chute du Mur de Berlin pour les étudiants, les jeunes, les partis politiques, les confessions religieuses etc. Le peuple haïtien devrait tirer des leçons de la diplomatie exercée par les pères fondateurs et les sœurs fondatrices de la nation ayant exploité les contradictions entre les puissances coloniales concurrentes, l’alliance avec les autres peuples opprimés, le compromis avec des bourgeoises nationales.
La lutte pour le droit à l’autodétermination du peuple haïtien trouve un écho encore timide dans une position de professeurs d’université pour une diplomatie souveraine, dans un plaidoyer pour des relations avec la république populaire de Chine. Ce signal indique et anticipe des options en liens à la rupture qui émane de l’expression des revendications du peuple haïtien.
Le défaitisme est à dépasser malgré la taille de l’adversaire commun, grâce à la force morale et la détermination d’un peuple oppressé qui vise sa libération. Les intellectuelles et intellectuels se devraient assurer une fonction organique dans l’accompagnement du peuple haïtien dans sa lutte de libération.
Hancy PIERRE
Citoyen engagé
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