Appelé.e.s couramment restavèk (reste avec – en français), pas moins de 300 mille enfants vivent en domesticité dans les grandes villes haïtiennes – donc exposé.e.s à l’une des pires formes de travail des enfants selon des chiffres officiels.
Hinche, HAITI, 4 juin 2019 — « A la mort de ma mère j’ai été vivre chez une tante. Elle me maltraitait, m’injuriait et m’humiliait à longueur de journée. J’ai toujours eu des remords. Je n’arrêtais pas de pleurer. En raison des humiliations répétées, j’ai décidé d’abandonner la maison. J’ai passé trois jours à mendier à la station de bus pour trouver de quoi payer le transport pour rentrer en ville ».
C’est le témoignage de Nerlande Louis, 13 ans, orpheline de père et de mère. Elle a connu pas moins de trois foyers différents depuis l’âge de 9 ans. Nerlande est victime de violence physique et psychologique. «Toute ma famille m’abandonne », se plaint-elle, critiquant sa sœur unique qui l’a reconduite chez sa tante qui la maltraitait. « Je faisais tout à la maison alors que son fils ne faisait rien ».
Une vie faite de privation …
« Un jour, ma tante me disait si elle pouvait me tuer, elle le ferait. Et si je ne laisse pas la maison, elle la laisserait à ma place », se souvient Nerlande qui sur le coup a choisi de partir. Jusqu’à maintenant, cette tante lui rend la vie dure au point de lui jeter des sorts, croit-elle, tourmentée par les menaces.
La condition de vie de Nerlande est aussi celle de milliers d’enfants d’Haïti en situation de domesticité. Ils et elles ne vont pas à l’école, sont mal nourris et n’ont pas accès aux soins de santé de base. Donc, ils et elles ne sont pas protégés contre l’exploitation nuisant du coup à leur plein et entier développement. Ce qui constitue une violation des lois nationales et internationales relatives à la protection des enfants.
Parmi les causes de l’expansion du phénomène de domesticité en Haïti, les grossesses précoces et répétées, l’irresponsabilité des parents et surtout des pères, la pauvreté et l’irresponsabilité des autorités .
Nerlande arpente les foyers et vit pour l’instant chez une cousine qui ne fait pas cas d’elle à tel point qu’elle est obligée de passer ses journées chez une voisine. « Je sais que vous aviez connu des péripéties pour me donner la vie. Et maintenant, la misère fait partie de mon quotidien (…). Je ne vous oublierai jamais », écrit-elle dans une lettre adressée à sa maman, le jour de la fête des mères. Nerlande nourrit le rêve de devenir médecin, mais vient de perdre l’année scolaire.
Un système qui s’apparente à l’esclavage !
Pas moins de 18,5% des femmes et 11,6% des garçons âgés de 18 à 24 ans ont été sujets à une servitude domestique avant l’âge de 18 ans – révèlent les résultats préliminaires de l’enquête sur la violence contre les enfants sortis en 2012.
«Le système restavèk est frustrant. Nombreux sont les enfants qui y vivent. Je qualifie ce système d’esclavagiste et les gens qui tiennent les enfants sous leur joug – de criminel », dénonce Dorvil Démezard, agent communautaire polyvalent à l’ONG World Vision à Hinche. « La sensibilisation à l’église, à l’école et dans les communautés – est importante dans la lutte contre le système restavèk esclavagiste », dit-il.
Une offensive est lancée depuis des années par les autorités, des instances internationales et des ONGs comme Plan International et la World Vision en vue de lutter contre le travail et la violence faite aux enfants. Mais des défis persistent !
Milo Milfort
@milforthaiti