La sélection nationale haïtienne de football des amputés est une version handisport apparue après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010. C’est une équipe déterminée à faire changer les mentalités sur le handicap. Pour bon nombre d’entre les joueurs, vivre en Haïti est un parcours de combattant. Le handicap est un poids, un fardeau écrasant. A cela s’ajoutent les personnes déficientes victimes de discrimination et parfois même de violence.
Le violent séisme qui a secoué Haïti le 12 janvier 2010 a non seulement causé la mort de plus de 200 000 personnes mais il en a laissé plus de 300 000 avec de graves séquelles dont au moins 4 000 ont été amputées. À l’époque, le nombre d’interventions chirurgicales avait suscité la polémique au sein de la communauté médicale dénonçant « une médecine de guerre » pratiquée par certains urgentistes.
La moitié des membres de l’équipe haïtienne de football des amputés a subi leurs opérations après le tremblement de terre. Selon le chirurgien Lestin Mackenzy, cette opération est un geste de sauvetage et de dernier recours, quand un membre est broyé ou quand menace la septicémie.
Face à la mise à l’écart de ces personnes qui sont considérés comme contraires aux normes de la société, l’Association Haïtienne de Football des Amputés (AHFA) a été créée dans l’objectif de rassembler tous les talents victimes de ce cataclysme naturel.
Quelques mois plus tard, le rêve est devenu une réalité. Haïti a pris part à sa première coupe du monde en Argentine et a vu le sacre de l’Ouzbékistan aux dépens du pays hôte. Sortis au premier tour, les grenadiers sont de nouveau invités à la coupe du monde du Mexique. Beaucoup plus mature qu’à l’édition précédente, la sélection nationale a atteint les quarts de finale et a été mise sur la touche par la Pologne sur un score de trois buts à zéro. Une marche de progression louable aux yeux des observateurs en particulier ceux du bicolore national.
Invitée par la fédération Mexicaine de football amputé au mondial de 2018, la sélection haïtienne a goûté les joies d’une édition de Coupe du monde handicapée qui s’est déroulée du 24 octobre au 5 novembre dernier à Guadalajara au Mexique.
Avant que ne débute le championnat du monde des amputés, l’équipe haïtienne a ciblé le titre de champion pour sa troisième participation à cette fête réunissant les plus grandes nations du football des amputés. « Nous allons gagner le mondial cette année, car rappelez-vous que l’équipe de notre cher pays a déjà gagné contre les États-Unis en Copa America, on a aussi déjà battu l’Allemagne, la Russie, l’Italie » a relaté Alain Israël, un jeune joueur handicapé de naissance, deux jours avant le déroulement de la 15e édition de Coupe du monde de football des amputés.
En remportant trois matches consécutifs en phase de poule, les Haïtiens ont été stoppés (2-1) par la Pologne en quarts de finale. Ils ont redoublé d’efforts au match de cinquième place en se qualifiant sur le Japon (2-1) dimanche 4 novembre pour clôturer en beauté cette édition.
Impressionnants, les handicapés locaux ont réalisé un parcours étincelant lors de cette coupe du monde et ont du même coup obtenu leur qualification pour la prochaine compétition de 2022. Les prestations de haute couture des bleu et rouge ont récolté en retour des vagues de félicitations venant de plus d’un qui ont salué le courage, la bravoure et la détermination de ces ambassadeurs du pays qui malgré leur amputation ont hissé le plus haut que possible le bicolore national. Tous les joueurs et les membres de l’association (AHFA) ont fait preuve d’autant de motivation et de volonté, malgré les soutiens techniques et financiers se sont fait extrêmement rares.
L’attaquant Redondo El Principe RICHARD, originaire de Fort National (Port-au-Prince) et âgé de 18 ans, terminant meilleur buteur de ce mondial avec 9 buts, a inscrit un doublé contre le Japon et permis au pays de se qualifier pour la prochaine coupe du monde des amputés en 2022. « Nous sommes aussi l’avenir de cette société. C’est le regard et le comportement de la société qui font qu’on se retrouve en situation de handicap » déclare avec conviction le jeune attaquant, tout en ajoutant que l’équipe haïtienne se démarque plus que jamais des statuquos par son dynamisme.
Respecter leurs droits
Une loi sur l’intégration des personnes handicapées a été votée par le parlement haïtien et publiée dans le journal officiel du pays « Le Moniteur », par le président haïtien Michel Joseph Martelly, en date du 21 Mai 2012. Selon cette loi, toute personne handicapée a le droit d’accéder au savoir (formation), d’occuper un emploi et d’évoluer professionnellement. D’où l’objectif des lois anti-discrimination qui constituent « un point de départ pour promouvoir l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail ».
John Baby JEAN, âgé de 25 ans, le gardien de but #1 de la sélection nationale haïtienne, déteste la discrimination ainsi que les reproches injustifiés de la société. Il plaide pour que les handicapés puissent avoir de la chance de vivre mieux. « Nous ne jouissons pas les mêmes droits que les autres, on ne nous traite pas comme des humains, sinon nous aurions tous les même accès.» mentionne l’originaire de Thiotte souhaitant devenir linguiste. Tout en rêvant surtout de fonder un centre sportif pour accueillir à la fois les enfants normaux et les amputés.
L’entraîneur Pierre Rochenel fait savoir que les joueurs ne sont pas vraiment handicapés, mais c’est la société qui les rend handicapés, quand elle leur prive de la jouissance pleine et entière de leurs droits. Il faut dire que « partout l’équipe nationale passe, le public applaudit et voit combien ce qu’on fait est bon pour la société haïtienne » précise l’entraîneur en souriant.
Aucune équipe en Haïti avant ces héros méconnus n’avait réussi l’exploit dans une Coupe du monde de football de sortir invaincu d’une phase de groupe en claquant 9 points sur 9 possibles.
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