Carina JEAN embrasse déjà deux décennies de carrière dans le domaine de la mécanique. Après avoir longtemps exercé ce métier considéré jadis comme la chasse gardée des hommes, elles a acquis des connaissances et a fait des expériences inestimables.
Âgée de 43 ans, la native de Liancourt, commune du département de l’Artibonite, a brisé à sa manière les stéréotypes de genre grâce à son métier de prédilection. Mariée, Carina arrive à faire une bonne gestion de sa vie professionnelle, tout en étant une bonne maman pour ses deux enfants.
Son histoire avec la mécanique a commencé, il y a plus de 20 ans. Avant ça, elle avait l’habitude de regarder ses grands frères travailler dans leur propre garage. «Quand je suis venue à Port-au-Prince, j’avais 13 ans. Mes grands frères sont des garagistes. Je passais une bonne partie de mon temps au garage et je nourrissais l’idée de rentrer dans une école technique après mes bacs pour apprendre la mécanique», raconte Carina Jean.
La mécanique aux dépens de ses études en Relations Internationales
Ce qui est tout aussi intéressante qu’inspirante dans l’histoire de Carina Jean, c’est qu’elle a également entamé des études en Relations Internationales au sein de l’institut Supérieur de Formation Politique et Sociale (ISPOS), pour ensuite terminer à l’Académie Nationale Diplomatique et Consulaire (ANDC). Carina explique qu’elle a toujours préféré travailler dans la mécanique et que son entourage a toujours vu de bon œil son choix pour la mécanique. «Je pense que mon entourage a toujours apprécié mon choix de faire carrière dans la mécanique», dit-elle.
Avec sons sens de professionnalisme, Carina arrive à couper-court aux stéréotypes de genre autour des orientations professionnelles. Pour construire cette belle carrière, elle ne s’est pas contentée de s’inspirer des travaux de ses frères garagistes, mais a visé encore plus loin après avoir eu ses deux bacs. En ce sens, elle a décidé d’étudier l’Ajustage à JB Damien et la mécanique automobile. Elle a fait aussi une spécialisation en injection électronique à Diesel Institut of Haïti.
Comme dans tous les métiers, celui de la mécanique est truffé d’embûches. Pour faire face à ces situations, il faut à tout prix être armé de courage. Carina nous explique qu’elle a dû faire pas mal d’efforts pour être cette professionnelle respectée dans ce milieu.
«Les difficultés sont nombreuses autant que les moments de bonheur. Il faut doubler d’efforts pour percer, car il a fallu attendre beaucoup d’années pour pouvoir se faire respecter dans ce milieu», révèle-t-elle.
De son côté, Carina Jean souhaite que le pays reprenne son cours normal pour qu’elle puisse réaliser quelques projets sur lesquels elle a longtemps travaillé.
«J’ai un garage mobile. C’est un nouveau concept que j’ai lancé. J’aurais aimé le voir prendre forme dans les années à venir. J’aimerais aussi que le centre de recherche en mécatronique soit capable de prendre sa place. Mais les choses doivent vraiment changer!!!!».
Carina Jean est une femme qui a aussi des pensées créatives et innovantes. À travers les années, elle a loué les prérogatives des nouvelles technologies pour accoucher des projets novateurs. Parmi ces projets, il y a la mécatronique et le garage mobile. Ce dernier est un nouveau concept que Carina a mis sur pied.
«Pour le garage mobile, on n’a pas besoin de très grands espaces pour un garage avec les nouvelles technologies, on a besoin seulement des outils appropriés, modernes pour effectuer un bon diagnostic, on a besoin d’avoir la capacité, le bon jugement pour travailler dans les voitures modernes et les technologies continuent de jour en jour’’, informe-t-elle.
«Après le garage mobile, la passionnée de mécanique nous donne quelques explications concernant un autre projet intitulé «la mécatronique». D’après elle, c’est une alliance de la mécanique, l’électronique et de l’informatique en un seul système. «Donc, ce n’est pas tombé du ciel, le centre de recherche a pour but de créer des solutions de plus en plus intelligentes pour répondre aux exigences actuelles qui sont de perfectionner le marché du travail», commente-t-elle.
Une femme qui vit de son métier
En ce qui a trait à la rentabilité de son métier, elle souligne qu’en Haïti, on ne peut pas parler de bien gagner sa vie. L’une des causes est le problème qui paralyse la rentabilité des métiers et des professions, tout en admettant que celui-ci ne dépend pas des professionnels mais plutôt de la mauvaise gestion du milieu dans lequel ils évoluent.
«De manière générale, le milieu du travail haïtien est un peu pollué par l’absence de l’application des lois, l’impunité, etc. C’est encore plus compliqué pour une femme qui travaille dans un milieu rempli d’hommes. Néanmoins, je me vois capable de concilier mon caractère avec les autres tout en exigeant du respect mutuel. D’un point de vue économique, chez nous, on ne sait pas exactement, c’est quoi gagner bien nos vies, mais je peux dire oui, je vis de mon métier parce que j’essaie de créer, d’innover et d’oser dignement», confie-t-elle.
La mécanicienne dit que son métier est toujours au centre de ses intérêts. Malgré le fait qu’elle ne choisit pas la facilité, Carina soutient qu’elle ne se sent pas pour autant différente des autres.
«Je ne me sens pas différente des autres, mais nous avons toutes des différences, nous ne pensons pas toutes de la même manière, nous avons toutes notre choix, moi, je fais toujours les choses difficiles.”
À part la mécanique, Carina aime le football et a d’autres passions dans la vie surtout dans le domaine artistique. Elle est une vraie passionnée de la musique, la lecture, l’écriture et de la peinture. D’ailleurs, elle nous confie que si elle n’avait pas fait des études à JB Damien, elle aurait opté pour l’ENARTS.
Une professionnelle qui croit dans le partage des connaissances
En plus d’être une femme forte, Carina est une personne qui croit que les connaissances doivent surtout être partagées pour l’évolution de notre communauté. Pour cela, elle anime régulièrement des séances de formation pour d’autres professionnels dans ce milieu. Le plus souvent, elle partage ses connaissances et ses expériences à des garagistes dans la capitale et dans quelques villes de province. Pour elle, ces moments d’échanges sont d’une importance inexplicable.
Les moments forts sont nombreux. Pour la première fois, il y a 2 ans, j’ai été dans les provinces pour animer des formations en mécanique avec des garagistes. Ce sont des personnes expérimentées. Elles n’ont pas manqué de me montrer leur gratitude.
Dans cette société où les femmes accèdent ou s’intéressent difficilement à des métiers traditionnellement réservés aux hommes, Carina Jean profite de cette entrevue, pour lancer un appel aux femmes qui se tuent à rester dans des métiers sous prétexte qu’ils sont destinés particulièrement aux femmes.
«À toutes les femmes qui veulent se lancer dans ce métier, allez-y. Ne soyez pas lâches, ne vous laissez pas décourager et surtout persévérance et respect. Ce métier est généreux et il y a beaucoup de places pour les femmes.» Tel est le conseil de Carina Jean pour les jeunes femmes.
Bethaida Bernadel
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