Les propos sexistes véhiculés dans la plupart des musiques électroniques en Haïti notamment le Rabòday, représentent un danger majeur pour les femmes haïtiennes. Conscients de cela, les responsables de l’Association Culturelle Sol Scène (ACSS) ont initié une trentaine de jeunes femmes à la création et la production de beat. Autour du thème «Mon corps, mon rythme, ma parole». Désormais ces bénéficiaires connaissent l’importance de dénoncer la violence dans les musiques et ont leur racine plantée dans le beatmaking, l’écriture de punchline et la gestion des réseaux sociaux.
«Dans notre société, il y a de nombreuses musiques de ce genre qui dérangent parce qu’elles portent des paroles qui ne sont pas favorables aux femmes “Madan Papa”, “doub pakin” et pleins d’autres encore. Il est grand temps de stopper cette dérive», ce sont là les déclarations de Léonne Milfleur, l’une des bénéficiaires du projet.
En réalité, nombreuses sont celles qui chantent et dansent le Rabòday dans le milieu haïtien. Mais ce qui est sûr, c’est que ces femmes sont emportées par le rythme entraînant de ces types de musiques ne prêtant guère attention aux propos dégagés. En ce sens, le responsable de communication de l’association, Michael Formilus nous explique la touche importante qu’apporte ce projet dans la vie de ces jeunes femmes.
«Avec le soutien du Fonds Canadien d’Initiatives locales (FCIL), Sol Scène a mis sur pied ce projet en vue de combattre les violences faites aux femmes/filles dans les musiques électroniques en Haïti et d’encourager la présence féminine dans le milieu. C’est pourquoi, grâce aux formations, les jeunes femmes sont sensibilisées et apprennent à produire par elles-mêmes des chansons qui les valorisent dans la société» dit-il tout en soulignant que les musiques sexistes ont des conséquences néfastes sur celles qui les consomment.
Pour ce qui est de la tenue des activités, dans un premier temps, du 26 février au 2 mars 2024, le communicologue nous indique que 20 jeunes filles de la Fondation Toya ont bénéficié d’un atelier de formation sur «l’initiation au logiciel de création et de production de beat», avec le musicien et beatmaker haïtien Wendy Lapointe. Ensuite, un atelier sur l’écriture de punchline avec la rappeuse Burning Phatass puis elles ont reçu une formation sur la communication digitale incluant le management et gestion des réseaux sociaux animé par l’interviewé Michael Formilus. Dans un second temps, les 28 et 29 mars dernier, une deuxième cohorte de 10 femmes ont suivi la formation avec Wendy Lapointe.
Mis à part ces ateliers, les bénéficiaires et le grand public ont pu participer à une causerie avec les artistes comme DJ Kemissa et la rappeuse Burning Phatass. Il était question de discuter sur la présence des femmes dans le rap et le djing. Ce moment a été suivi d’une projection du film «Rêveuses de villes» du réalisateur canadien Joseph Hillel.
Après tant de jours à développer leur connaissance, les bénéficiaires se préparent à présent pour faire leur coming out dans ce secteur, nous confie le responsable de communication de Sol Scène. «Pendant la période de formation, un son est créé et les dames se sont mises ensemble pour écrire les paroles. C’est une musique Rabòday, elle promeut à la fois la femme dans ses droits et sa splendeur, et dénonce la violence sous toutes les formes», précise -t-il en annonçant pour bientôt la sortie officielle de cette chanson qu’elles ont réussi à produire sous la supervision des formateurs. Les participantes n’ont pas hésité à crier leur joie. Désormais, ces femmes se font la promesse de ne plus danser, chanter et même participer à des activités où les femmes sont dévalorisées, dénigrées et violentées.
Par ailleurs, dirigée par l’artiste Daphné Menard, Sol Scène lance une campagne de sensibilisation virtuelle contre tous ces types de violence à l’égard de la femme durant tout le mois d’avril. En effet, les responsables invitent la population à y participer en partageant avec eux une vidéo d’une minute dénonçant un propos sexiste véhiculé dans les musiques rabòday en Haïti.
Crédit photo : Valencia Joseph / Tania Jean-Louis
Achille Marie Mika
© Tous droits réservés – Groupe Média MAGHAITI 2024