Souvent rejetées dans une société haïtienne rongée par les méfaits du patriarcat, la plupart du temps, les ex-détenues n’ont pratiquement aucune vie sociale après leur détention. En partenariat avec Avocats Sans Frontières Canada, l’Association Quatre Chemins redonne sens aux vies des jeunes femmes sortant de prison en Haïti, à travers la danse, le théâtre et diverses autres formations.
C’est à travers le programme « Théâtre Citoyen » de l’Association Quatre Chemins joint au projet « Accès à la Justice et Lutte contre l’Impunité en Haïti » mené par l’ASFC que Prizon pa ta dwe Lanfè est réalisé. Et ceci, avec l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires Mondiales Canada.
En ce sens, trois (3) journées de formation sur les droits humains, les processus de plaintes et de réhabilitations ont été organisées à l’intention des femmes du 25 au 27 août 2021 à Yanvalou. Maitre Evens Fils, le responsable du Mouvement Mutation a animé ces ateliers.
« Prizon pa ta dwe Lanfè » semble être un projet d’espoir car à travers ces séances de formation, des ex-détenues ont pu être formées sur le droit, et ont également trouvé une tribune pour parler et dénoncer les atrocités subies quotidiennement dans les prisons en Haïti.
Selon l’une des bénéficiaires qui requiert l’anonymat, c’est une occasion pour elle de voir le monde différemment car ces séances de formation lui ont permis de connaitre ses droits, d’oublier son esprit de vengeance et de se battre pour la réparation et la réhabilitation de ses droits. Elle a passé huit (8) ans en détention préventive prolongée pour être ensuite déclarée non-coupable par le juge.
Le représentant des barreaux au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), le bâtonnier Evens Fils nous a fait part de ses impressions sur les femmes dans la formation. « C’était une expérience enrichissante et dynamique parce qu’elles m’ont appris des choses que j’ignorais en tant qu’avocat. Des femmes innocentes enfermées depuis plus de huit (8) ans, des femmes qui mangent des saletés en prison, des femmes qui ont enfanté pour des policiers qui sont censés les surveiller et les protéger », s’indigne l’avocat militant.
« Je constate qu’il y a une grande amélioration, leurs propos ont changé par rapport au premier jour, il y’a un changement de comportement et d’attitude auprès des ex-détenues. Leurs discours ont réellement changé par rapport aux jours précédents » ajoute-il.
Ce projet prévoit des conférences, formations et des ateliers de théâtre pour les femmes, qui seront animés par la compagnie de théâtre et de performance Hors-Temps. S’étendant sur cinq (5) mois, il se déroule à Port-au-Prince et à Ouanaminthe. La restitution de l’atelier servira de spectacle que les femmes auront à présenter.
A travers « Prizon pa ta dwe Lanfè », l’Association Quatre Chemins encadre les anciennes détenues qui sont des citoyennes à part entière et qui méritent d’avoir une vie sociale comme tout le monde. L’utilisation de l’art semble être une stratégie efficace pour les réinsérer dignement dans la société Haïtienne.
Bethaida Bernadel
Crédit photo : Adelson Carvens
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