Jeunesse haïtienne, vous êtes née dans un magnifique pays. Riche en histoire et en culture. Mais la mauvaise gestion de ses dirigeants, leur incapacité, l’ont transformé en une entité presqu’ingouvernable et presqu’invivable. Ils ont mis le feu à notre paradis. Dans cet incendie, la catégorie la plus touchée, c’est vous, car vous êtes abandonnée, maltraitée. Personne n’a jamais pensé à vous, alors que vous en êtes le pilier. Ôtez‐vous, et tout s’écroule. Vos efforts, vos capacités intellectuelles et physiques sont ignorées. On vous enlève, on vous séquestre, on vous viole, on vous assassine…
Je me souviens encore de toi, Evelyne Sincère, élève de NS4 au Lycée Jacques Roumain, enlevée, séquestrée, violée, puis assassinée. Ton corps innocent a été retrouvé sur une pile d’immondices comme un vieux chien écrasé laissé pour mort. Où sont passés tes rêves ? Où sont tes bourreaux ? Sont‐ils encore en prison ou sont‐ils libérés par des juges corrompus ?Ou bien l’enquête se poursuit ?
Je me souviens encore de toi mademoiselle Myrville, étudiante en 4e année d’une Université privée de Port‐au‐prince, enlevée, séquestrée, violée, puis étouffée. Ton corps ensanglanté a été retrouvé dans un ravin sur la route de Jacmel. Qu’est-ce que tu as fait pour mériter cet injuste sort ? Où sont passés tes rêves ? Ils sont partis en fumée. Où sont tes ravisseurs ? L’enquête se poursuit encore sans doute.
Je me souviens toujours de toi, Rosnie Zidor, étudiante en médecine à l’Université d’Etat d’Haïti, tuée d’une balle à la tête dans un bus, à destination de Pétion-Ville. Tu rêvais de devenir médecin pour aider tes compatriotes, ta famille, après des années de sacrifices consentis pour toi. Ton rêve n’a pas été réalisé. Où sont tes assassins ? On a sans doute diligenté une enquête qui se poursuit…
Je me souviens toujours de toi cher Grégory Saint‐Hilaire, étudiant finissant de l’École Normale Supérieure de l’Université d’Etat d’Haïti, tué d’une balle au dos dans l’enceinte même de ton école. Tu rêvais de devenir enseignant pour apporter le pain de l’instruction aux enfants de ton pays. Ton objectif n’a pas été atteint. Mais où sont tes bourreaux ? Sont‐ils arrêtés, jugés et condamnés ? L’enquête est en cours…
Je me souviens encore et toujours, mon cher neveu et enfant, Docteur Mackenson Dasny, jeune médecin, diplômé d’une Université privée de la capitale. Interniste à l’hôpital communautaire de Dame Marie Grand’Anse. Il a été assassiné le 4 avril 2023 dans cette même commune, de plusieurs coups de couteaux à la tête, et roué de coups, laissant un garçon de 2 ans qui ne cesse de répéter “papi mouilli“(papi est mort).
Dasny, ton seul crime, était de vouloir aider tes compatriotes de l’arrière-pays. Tu n’as pas eu le temps de voir grandir ton fils Dadley. Dans ta tombe, tu peux crier aux habitants de Dame Marie comme le médecin de Montesquieu dans LES LETTRES PERSANES, qui soignait les mauvais troglodytes : “Allez, hommes ingrats. Vous avez dans l’âme, un poison plus mortel que celui dont vous voulez guérir. Vous ne méritez pas d’occuper une place sur la terre, parce que vous êtes sans humanité. Les notions de justice et de gratitude, vous sont inconnues“. Où sont tes assassins, docteur Dasny ? Ils sont encore dans la nature. L’enquête, se poursuit‐elle ? Tel est le sort de nos jeunes trésors incompris à la manière des perles jetées devant les pouceaux.
Pascal, dans LES PROVINCIALES, a écrit : “une vie sans distraction est une longue route sans hôtellerie”. Jeunesse haïtienne, vous n’avez aucune distraction, toutes les salles de nos cinémas sont fermées. Aucun parc d’attraction, aucun loisir. Pour épanouir votre personnalité, vous avez besoin de vous distraire. Parfois, pour chasser vos ennuis, vous avez créé vos propres distractions, qui sont peu orthodoxes, dans la plupart des cas, comme le car wash, ti sourit… D’autres parmi vous, se livrent à la drogue, au sexe, certains rejoignent des groupes armés, etc.
Vous avez tout essayé, comme voyagé au Chili ou au Brésil, mais les choses ne se passent jamais comme prévu. Vous prenez la route vers l’Amérique du Nord, à la recherche d’une vie meilleure, mais certains parmi vous sont violés, assassinés et vos corps sont livrés en pâture aux bêtes sauvages. Vous revenez de l’étranger avec un master ou un doctorat, un CV bien étoffé à la recherche d’un emploi, mais vous êtes considéré comme une menace, un adversaire, une future remplaçante et votre CV finira sa course dans la poubelle.
Chez nous, on se ligue contre la jeunesse et contre la connaissance. Pour vous barrer la route, on vous réclame trois années d’expérience, or vous venez d’avoir 24 ans, et personne ne veut commencer avec vous…En dépit de vos qualifications, on vous propose un salaire de misère juste pour vous humilier, pour vous décourager. On peut vous faire encore d’autres propositions indécentes…
Si vous manifestez le désir de monter votre propre petite entreprise, sans solliciter l’autorisation de rapaces aux griffes d’acier, les produits commandés pourriront dans les entrepôts des Douanes.
Je vous dis ces vérités, non pas pour vous effrayer, mais pour que vous soyez avertie qu’autour de vous il y a des dinosaures qui vont vous refuser le passage.
Je crains que vous ayez la même position que Massillon Coicou, poète haïtien du mouvement patriotique (1860‐1898) dans son poème NOSTALGIE, où dans la dernière strophe, il a écrit :
“Mais je suis sûr hélas ! Que le mal qui m’accable pour briser les plus forts, souffle encore n’importe où. Aussi, je me résigne à subir l’implacable avec ma lassitude et mon dégoût de tout“.
Jeunesse haïtienne ! Ne vous découragez pas, car le découragement n’est pas une bonne option. Vous devez continuer à lutter, à espérer et à croire en un lendemain meilleur. La route est encore longue, mais vous y arriverez un jour, car ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. La République a besoin d’un grand coup de balai et cette tâche vous incombe, pour une meilleure répartition des richesses du pays. Soyez sur vos gardes, car l’adversaire est de taille.
“PA ANMÈDE JÈN YO”
Me J C J. Simon
Prof.de philosophie
Avocat.
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