Suivant la théorie Kelsenienne sur la norme juridique, le principe veut que dans la hiérarchie des normes la constitution soit au-dessus des autres lois et ces dernières doivent être conformes à elle. De ce fait, il faut se référer au principe constitutionnel pour comprendre la source du problème de la durée et la nature du contrôle du mandat des sénateurs de la République.
Dans notre constitution du 29 mars 1987 amendée, c’est l’article 95 qui prévoit l’encadrement juridique de la durée et la nature du contrôle du mandat des sénateurs. Cet article nous dit que les sénateurs sont élus pour six (6) ans et sont indéfiniment rééligibles. Ils entrent en fonction le deuxième lundi de janvier qui suit leurs élections. Au cas où les élections ne peuvent aboutir avant le deuxième lundi de janvier, les sénateurs élus entrent en fonction immédiatement après la validation du scrutin et leur mandat de six (6) ans est censé avoir commencé le deuxième lundi de janvier de l’année de l’entrée en fonction.
En l’espèce, les dernières élections législatives d’Haïti ont eu lieu en novembre 2015 et 2016. Ce qui aurait pu être la norme, ce serait la fin des mandats des élus de ces deux élections, le 2e lundi de janvier 2022 et le 2e lundi 2023 suivant leur année d’entrée en fonction. Soit au cours de l’année 2016 pour les sénateurs élus aux élections de 2015 et au cours de l’année de 2017 pour les sénateurs élus au élections 2016.
Toutefois, il peut y avoir une autre considération, je m’abstiens volontiers de la donner une qualification. On assiste depuis le constat de la caducité du parlement en 1999 par le président Préval et la dissolution du parlement à la chute de l’ancien président Aristide à un problème majeur de conciliation du temps électoral et une absence de l’ordre constitutionnel.
C’est dans ce contexte de crise électorale que va apparaitre la catégorisation des sénateurs. En effet, tout a commencé pendant les élections de février 2006. Le conseil électoral provisoire de l’époque a décidé, en accord avec le conseil des sages (Il faut se rappeler qu’il n’y avait pas de parlement) qu’à la suite de ces élections, les mandats des sénateurs élus seront de deux, quatre et six ans suivant leur ordre de suffrages obtenus par les candidats élus afin de concilier le temps électoral et le principe constitutionnel.
Cette situation devrait permettre au pays un retour à l’ordre constitutionnel, si les dispositions ont été prises toute suite après l’investiture du président Préval, vainqueur des élections de 2006 et le parlement fraichement reconstitué quelque jour avant cette investiture. L’exécutif à l’époque devrait organiser des élections au dernier trimestre de l’année 2007 et 2009. L’une pour renouveler le 1/3 du Sénat, élu par consensus pour deux ans en 2006 et l’autre, le 1/3 élu pour quatre ans toujours selon le décret électoral de 2005.
Ces deux élections de 2007 et 2009 allaient permettre l’élection des sénateurs élus pour six ans et un renouvellement tous les deux ans d’un tiers du Sénat à partir du 2e janvier de 2012. Malheureusement, une seule élection sera organisée par le Gouvernement Préval à la fin de 2008, ce qui fragilise à nouveau le processus du retour à l’ordre constitutionnel. Ce mépris de se conformer à la loi mère va être consolidé avec l’arrivée au pouvoir du chanteur Sweet Micky à la suite des élections de novembre 2010 et mars 2011.
En l’espèce, l’exécutif présidé par Mr Martelly devrait organiser des élections au dernier trimestre de l’année 2011 afin d’empêcher toute vide au Sénat après le départ le 2e lundi de janvier 2012 des 10 sénateurs élus pour six ans dans les élections de 2006. Non seulement, il n’y aura pas d’élection pour renouveler le tiers du Sénat dont le mandat va arriver à terme, cet exécutif n’organisera aucune élection jusqu’à la fin du mandat. Une situation qui avait créé un dysfonctionnement du parlement, le 2e lundi de janvier 2015. Il n’y avait pas de chambre des députés et le Sénat était réduit à 10 membres qui ne pouvaient pas organiser de séance pour faute de quorum.
Aujourd’hui encore, on assiste à la même situation. Car comme a dit l’autre : les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets… Le président Jovenel Moise à date devrait organiser au moins une élection pour renouveler un 1/3 du Sénat. A cet effet, l’article 50.3 du décret électoral de 2015 dispose le mécanisme de contrôle du mandat des sénateurs en ces termes : A l’occasion des élections sénatoriales impliquant à la fois le renouvellement et une ou deux vacances au sein d’un même département, les électeurs votent pour autant de candidats qu’il y a de postes à pourvoir. Le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix reste en fonction jusqu’au deuxième lundi de janvier de la sixième année de son mandat. Le sénateur élu avec un nombre de voix immédiatement inférieur comble la vacance produite en cours de mandat pour le temps qui reste à courir.
En l’espèce, cet article fait référence à un dénouement normal du calendrier électoral, car il parle de renouvellement et de vacances de poste. En ce qui concerne les élections de 2015, il n’y avait pas eu question de renouvellement de poste mais de préférence des vacances de postes à combler. Dans un premier temps, il y avait un tiers du Sénat qui était vacant depuis le 2e lundi de janvier 2012 qu’il fallait combler, soit les deux années restantes. Ensuite, l’autre tiers qui était devenu vacant le 2e lundi de janvier 2015. Par conséquent, en accord avec l’article 50.3 du décret électoral de 2015, les sénateurs qui étaient élus pour combler le tiers du Sénat vacant le 2e lundi de janvier 2015 restent en fonction jusqu’au temps qui reste à courir. Si la vacance a été constatée à partir du 2e lundi de janvier 2015, elle reste à courir jusqu’au 2e lundi de janvier 2021 en considérant que le mandat sénatorial est de six ans.
Mais pour l’instant, on ne peut que suivre le regard du président…
Me Schneider CELESTIN
Avocat/s Barreau de Port-au-Prince
Master DEAU
Université de Limoges