Margarette Jean-Charles, nom d’emprunt, est une jeune femme qui a mis son deuxième bébé au monde, il y a environ une semaine. Ce qui devait être l’un des plus beaux jours de sa vie s’est transformé en véritable cauchemar, en raison des répercussions engendrées par le phénomène “Pays Lock“.
Tout au long du “Pays lock” la jeune femme dit avoir vécu une période horrible à cause des traitements inhumains qu’elle a subis dans un hôpital privé de la capitale.
Son histoire cauchemardesque débute alors qu’elle était enceinte de 32 semaines. Le jeudi 18 août 2022, le diagnostic du médecin a révélé qu’elle était sous menace d’accouchement prématuré. Après 6 jours d’hospitalisation, le médecin a donné son accord pour qu’elle puisse rentrer chez elle, se reposer et attendre les 9 mois pour accoucher “normalement“.
Deux semaines après, malgré les médicaments prescrits par le médecin, Margarette s’est sentie extrêmement mal à cause des contractions qui se manifestaient au niveau de son ventre. Arrivée à l’hôpital le 20 septembre dernier, elle est entrée immédiatement en salle d’opération; une opération très difficile à cause d’un problème de carburant qui touche particulièrement plusieurs hôpitaux issus du pays.
“C’était une véritable calamité avant d’arriver à l’hôpital, malgré les douleurs, j’ai dû traverser plusieurs barricades à bord d’une motocyclette.”
Au moment de la césarienne, elle explique avoir ressenti des douleurs qui seraient dues à une insuffisance d’analgésie. Après l’accouchement, le bébé a été placé en couveuse et la mère en salle de repos ; c’est à partir de ce moment que les choses ont commencé sérieusement à se compliquer pour elle et le nouveau-né.
“Durant cette période, il n’y avait pas d’eau dans les douches de l’hôpital, ce sont quelques riverains qui ont décidé de distribuer un peu d’eau à quelques patients. Parmi les patients, il y en a qui ont dû acheter de l’eau embouteillée ou ensachée pour pouvoir laver leurs parties intimes“, confie Margarette.
Parallèlement à cause de la rareté du carburant, les appareils de l’hôpital n’arrivaient pas à fonctionner normalement. Les couveuses n’arrivaient pas à réchauffer convenablement les bébés. D’un autre côté, les responsables étaient dans l’impossibilité d’aller acheter de l’oxygène à cause des barricades érigées dans plusieurs zones de la région métropolitaine.
“8 jours après avoir subi la césarienne, j’ai dû dormir à même le sol avec les coutures de l’opération, car il n’y avait aucune chambre disponible à l’hôpital. Tout en étant sur le sol, j’avais l’obligation de réchauffer mon enfant et de le surveiller, car il n’y pas vraiment eu d’assistance médicale“, explique Margarette.
Durant cette période, les infirmières n’ont pas pu venir travailler, car le secteur du transport était paralysé. Le peu d’infirmière qui était sur place, aurait pour la plupart fait montre d’un manque de professionnalisme. “Il y en une qui m’a obligé à allaiter le bébé alors que le moment n’était pas favorable pour le faire, car la température de son corps était instable. Le bébé a failli mourir et a dû subir un lavage d’estomac“, raconte-t-elle.
“C’est un manque de professionnalisme qui a poussé l’infirmière à m’encourager à allaiter le bébé sans l’ordonnance du pédiatre”, critique la nourrice.
“Selon les dires de plusieurs personnes, elle n’avait pas beaucoup de patience avec les enfants, en plus, elle ne travaillait pas dans le service pédiatrique et a dû remplacer l’une de ses collègues. Et ce jour-là, le bébé pleurait énormément. Elle m’a fait monter plus de 40 marches d’un escalier, 3 jours après mon opération pour allaiter le bébé“, a-t-elle expliqué.
Margarette Jean Charles n’était pas la seule femme à avoir vécu cet enfer durant cette période. Elle a révélé que la majorité des femmes présentes ont dû affronter la même situation. “Sur 10 femmes, 2 ont eu un accouchement naturel, tandis que les autres ont été opérées et ont eu des enfants prématurés comme moi“, raconte Margarette. Selon elle, parfois, la maman se retrouve dans un hôpital et le bébé dans une couveuse qui se trouve à l’extérieur.
La jeune femme en profite pour lancer un alerte au Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), afin de chercher la cause, ainsi que la solution concernant le nombre incalculable de femmes qui accouchent prématurément dans des situations épouvantables.
“Actuellement, je suis toujours en danger parce que mon enfant ne trouve pas les assistances médicales adéquates et je continue à dormir par terre afin de le surveiller, car il n’y a pas d’électricité pour réchauffer le bébé dans la couveuse. Ils ont dû envelopper le bébé dans des papiers en aluminium pour le réchauffer. Le pire, c’est qu’on continue de verser entre 30 à 35 mille dollars à l’hôpital“, a-t-elle dénoncé.
Margarette nous confie qu’elle avait des difficultés financières en raison de la crise politico-socio-économique et qui persiste dans le pays.
“J’ai dû faire des prêts auprès des membres de ma famille et des amis proches. Sinon les frais de l’hôpital n’allaient faire qu’augmenter, car une fois que les responsables préparent votre sortie de l’hôpital (Egzeyat), et que vous décidez d’y rester pour n’importe quel problème, vous allez verser les mêmes sommes d’argents que d’habitude“, informe-t-elle.
Interrogée sur ce que cette expérience lui a appris personnellement et sur l’avenir d’une femme enceinte en Haïti, elle a répondu en ses termes : “cette expérience m’a appris que le pays est invivable, il n’y a aucune gouvernance. Même quand on a de l’argent en poche, on n’arrive même pas à obtenir les soins nécessaires dans un hôpital privé. Toutes les conditions sont réunies pour laisser le pays, car même les besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits. »
Imaginez tous ses mauvais traitements dans un hôpital privé dans lequel on paie une fortune. Qu’en est-il pour le cas d’une femme enceinte dans un hôpital public ? Questionne-t-elle.
Bethaida Bernadel
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