Néhémie Bastien : Et après ?
Le festival de Cannes est une manifestation culturelle qui attire chaque année des milliers de cinéphiles. C’est aussi l’occasion rêvée pour de jeunes réalisateurs de films indépendants, en quête de producteurs d’exporter leurs films à travers le monde et de financer leurs nouveaux projets. Parmi ces réalisateurs se trouve Gessica Geneus, venue défendre “Freda”, son premier long-métrage fiction à la sélection “Un certain regard” (à lire l’article de Mag Haïti consacré à ce film), un film globalement bien reçu par la critique.
L’actrice principale du film, Néhémie Bastien, a accordé une interview à Mag Haiti où elle s’est confiée sur ses appréhensions sur le septième art et aussi sur son avenir dans le métier.
Mag Haiti (MH) : Quelle est votre état d’esprit après avoir été la première actrice haïtienne en tête d’affiche du film présente en sélection au Festival de Cannes depuis plus de vingt ans ?
Néhémie Bastien(NB) : Je me sens très heureuse et honorée, parce que avoir la possibilité d’être dans le casting d’un film de Gessica Geneus, un film qui de surplus a participé dans le plus grand festival de cinéma au monde. C’était pour moi la possibilité de montrer au monde l’histoire de notre nation et le quotidien de notre peuple, le quotidien de nous, les femmes haïtiennes. Montrer ce quotidien dans un film et pour que la majorité de personnes puissent le voir, c’était un bonheur inespéré pour moi, je suis très fière et honorée.
MH : Pendant la durée du festival avez-vous eu le temps de réfléchir sur votre carrière d’actrice ?
NB : Pour être sincère j’avais plus envie de vivre l’instant présent que de penser à une carrière quelconque. J’étais submergée de joie et de bonheur. Mais j’avais bien eu le temps de réfléchir sur mon avenir. Je veux rester humble par-dessus. Je souhaite rester humble et je ne veux jamais oublier d’où je viens : dans un quartier populaire et dans un quartier pauvre et je veux écouter ceux qui ont plus d’expérience que moi.
MH : Avez-vous eu le temps de parler a des promoteurs ou des producteurs durant votre séjour à Cannes sur votre avenir dans ce domaine ?
NB : Oui j’avais eu le temps de rencontrer plusieurs personnes avec aussi des réalisatrices, nous avons parlés du futur et bien sûr nous avons échangées nos numéros de téléphones.
MH : Angela Basett, une actrice américaine vient de signer un juteux contrat de plus de 400 000 dollars par épisodes pour la cinquième saison de la série 911. Un record pour une actrice de couleur. Etes-vous pour ou contre l’égalité salariale dans le monde cinématographique ?
NH : Moi je trouve cela absurde de parler de ce sujet, en plein 21eme siècle nous sommes toujours la à crier haut et fort que nous sommes aussi des êtres vivants, que nos vies comptent comme celles des blancs. Moi je pense que c’est une humiliation de payer une personne selon la couleur de sa peau. Je pense que la plupart du temps les producteurs mettent les actrices de couleurs dans des projets seulement parce qu’elles élèvent la voix ou parce qu’elles s’imposent de force. Et pourtant nous sommes tous humains, lorsque nous allons mourir nous allons tous dans au même endroit. Chaque personne a droit au même salaire sans exception de couleur de nationalité etc.
MH : Dans quel pays aimerez-vous continuer votre carrière de cinéma si vous pouviez choisir ?
NB : Je ne me vois pas continuer ma carrière dans un pays étranger. Ma place est en Haïti, c’est là que je me sens bien. J’aimerais avoir de la stabilité dans mon pays pour que nous, les travailleurs du cinéma et du théâtre puissent avoir la possibilité de rester dans notre pays pour faire ce que nous savons faire de mieux. Oui j’aimerais voyager dans d’autres pays, aux Etats-Unis par exemple, faire de nouvelles expériences mais c’est Haïti mon pays et c’est…
Propos recueillis par Carlens Laguerre
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