Kerry Norbrun n’est autre que le nom d’un jeune homme qui vient de boucler ses études en médecine générale. La particularité de son travail consiste à prendre le noble soin d’utiliser ses connaissances dans le domaine médicale afin de prôner à titre gracieux la médecine préventive sur les réseaux sociaux.
Âgé seulement de 27 ans, le natif de Port-au-Prince s’est lancé dans la télémédecine depuis 2015 en vue de faire le nécessaire pour informer une grande partie de la population haïtienne qui pour la majorité néglige l’importance des consultations. C’est une évidence flagrante qu’un bon nombre d’entre eux attendent d’être au plus mal au point afin de consulter un médecin.
Les raisons qui lui ont poussé à entamer cette démarche vers la médecine préventive sont en rapport avec l’histoire de la mort de son grand-père, suite à un cancer du foie.
“Lorsqu’il présentait des signes et des symptômes alarmants, on disait souvent ” se gaz li genyen achte 7up” , son état s’aggravait par des œdèmes, il ne pouvait plus travailler, et il était cachectique. Un jour, après avoir bénéficié d’un scanner, on lui a diagnostiqué un cancer hépatique, je me suis demandé combien il y a d’Haïtien victime de cette situation par faute de connaissance.”
“Je me suis lancé dans la télémédecine en 2015 pour aider les gens à comprendre le fonctionnement de leur organisme, et de comprendre certaines pathologies fréquentes afin de préserver leur santé.”
Suivi par 274 mille personnes, le jeune médecin nous raconte la petite anecdote qui se cache derrière le nom de sa page Norbrun Kerry care-Ry qu’il avait créé le 28 janvier 2018.
“Je voulais lancer une page pour en quelque sorte prôner la médecine préventive, je ne savais pas encore quel nom donné. Ainsi, un ami m’a dit comme Chokarella de Carel, puisque je m’appelle Kerry et la page est à caractère médical pourquoi pas « Care-Ry », car « Care » signifie soigner anglais, j’ai trouvé l’idée géniale donc j’ai adopté le nom“, a avoué le jeune médecin.
Retour à l’enfance et parcours scolaire
Trois ans plus tard, en 1998, le petit Kerry Norbrun commença sa vie scolaire en Plaine à l’école la Jachère. La même année, il perdit son père : Mr. Vital Norbrun, ce qui a poussé sa mère, Mme Marie Weslande Souffrant à prendre les rênes de la famille et d’une poigne de fer, elle a inculqué toutes les valeurs possibles au jeune Kerry, son demi-frère Vital Junior ainsi qu’à son petit frère Gregory et sa petite sœur Say Saraï.
De 2001 à 2003, Kerry débuta son cycle fondamental à Sainte Trinité puis à l’institution Le Normalien de 2003 à 2005. L’instabilité politique lui fit revenir en Plaine à la Jachère où il boucla ses études primaires en 2007. Il acheva par la suite de 2007 à 2014 ses études classiques au College Canado Haitien.
Un Passionné depuis toujours de la médecine
Déjà très jeune, il eut l’œil sur tout, mais particulièrement sur les questions de santé. Cette curiosité pour le fameux costume blanc l’a conduit à chercher à comprendre tout le système de santé chez nous en Haïti ainsi que les mythes qui tournent autour. C’est bien ce qui l’a poussé à intégrer la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université Notre Dame d’Haïti en 2014.
“Dès mon plus jeune âge, soit à mes 9 ans, j’avais rêvé de devenir médecin, c’était pour pouvoir soigner mon oncle atteint d’une pathologie cardiaque, et j’ai toujours eu une affinité pour les sciences expérimentales, j’avais l’habitude d’avoir 100/100 en biologie à chaque étape pendant toute une année.”
“J’ai eu vraiment la détermination d’étudier la médecine. C’est en voyant les Haïtiens perdre leurs proches pour la majorité victime de maladie chronique que je me suis posé la question : « Il y a un gros problème de santé dans le pays, pourquoi ce sont toujours les mêmes ? ». Et après avoir bouclé mes études secondaires, j’ai préparé mon concours d’entrée à la faculté de médecine de l’université Notre Dame d’Haïti et j’ai réussi. Gagner un combat ce n’est pas gagner la guerre, j’ai beaucoup à prouver…donc j’ai choisi les réseaux sociaux comme outils de bataille afin de prôner la médecine préventive en Haïti“, poursuit-il.
Sur les réseaux sociaux, ses nombreux articles sont rédigés en créole haïtien. Le docteur Norbrun nous explique son choix.
“J’ai choisi de rédiger les textes en créole, c’est pour permettre aux Haïtiens d’avoir accès à la télémédecine de mieux exprimer leurs soucis, ce n’est que le commencement d’une longue histoire à rédiger.”
Sachant à quel point étudier la médecine en Haïti demande beaucoup de temps et d’énergie, nous avons demandé au docteur comment il a su se débrouiller pour alimenter sa page Norbrun kerry Care-Ry.
“J’arrive à publier régulièrement mes articles, après avoir étudie avant de dormir vers les minuits, j’écris quelques articles et je les publie au cours de la journée. J’aime traiter les sujets d’actualité, dans la majorité des cas, je publie sur les sujets obstetrique-gynécologie et pédiatrie, parce qu’en Haïti, il y a beaucoup plus de mythes sur les pathologies ayant rapport avec ces spécialités”.
Par ailleurs, Kerry nous dit que son choix pour la médecine préventive commence à porter ses fruits à tel point qu’il a déjà reçu 3 prix durant 3 années consécutives au cours de sa carrière et que les gens commencent à s’y intéresser fortement.
En 2019, il a reçu le prix étudiant de l’année par la revue L’étudiant. En 2020, il a été lauréat du prix Kwape Kowonaviris organisé par ANGAJMAN et 2022, il a été lauréat dans la catégorie médicale JCI Toyp organisé par la Jeune Chambre Internationale (JCI).
“C’est une fierté pour moi de voir comment aujourd’hui les haïtiens savent qu’à travers les réseaux sociaux, ils peuvent appliquer les règles de la médecine préventive, de savoir que la santé est un cadeau et qu’on a la responsabilité de la protéger. L’homme est fragile. On peut être asymptomatique et cela ne signifie pas qu’on est en bonne santé, mais ce qui me tient à cœur, c’est de voir l’amour des gens pour la page, on dirait, c’était quelque chose qu’ils attendaient, j’aimerais laisser mon empreinte pour le bien-être de notre système sanitaire.”
L’homme qui se dit satisfait de son travail n’a pas caché à quel point il a dû affronter de nombreuses difficultés pour être là aujourd’hui.
“D’emblée, on m’a découragé dans mes études à cause de la durée, la situation du pays et de notre système sanitaire m’ont fait perdre presque 2 ans, les facultés de médecine ne vous met pas dans l’ambiance pour étudier il y a toujours un problème qui va avoir des impacts sur la durée et la qualité votre étude“, confie Kerry.
En prenant au sérieux mes études, en m’inspirant dès maintenant sur les grands problèmes de notre système sanitaire et en essayant d’apporter des solutions à l’avenir et de tirer ce qui a de bon dans les autres systèmes afin d’apporter un plus dans notre système. ” Telles sont les résolutions prises par le jeune médecin pour pouvoir affronter les nombreuses difficultés dans son parcours.
Kerry conseille aux jeunes d’avoir des objectifs précis avant d’étudier la médecine.
“Étudier la médecine en Haïti ça demande beaucoup de sacrifices. Avant tout, pour faire la médecine, il faut l’aimer, on se sacrifie pour ce qu’on aime. Vous allez avoir beaucoup d’obstacles, des découragements surtout de la part de vos proches qui vous diront, c’est trop long, de la part du système qui vous pousse vers l’extérieur, de la part de l’enseignement reçu, vous allez remarquer qu’il faut s’aider soi-même dans la majorité des cas et de la part de vos aînés qui vous diront qu’ils ont regretté leurs choix, mais vous aller faire la fierté de vos parents, la fierté de vos patients, de votre patrie, la satisfaction du travail accompli. La médecine, vous l’aimez ou vous apprenez à l’aimer, sinon vous pouvez regretter votre choix, donc avant même d’entamer les études de médecine, il faut avoir des objectifs”, explique Kerry.
Kerry est un homme débrouillard qui ne compte pas seulement sur la médecine pour gagner sa vie.
“Pour gagner ma vie, je pratique le marketing digital, le trading, je fais des investissements, je suis présentateur d’émission, et aussi grâce aux contenus monétisés de YouTube.”
L’homme qui dit être ambitieux, innovateur et qui croit posséder un esprit scientifique estime que chacun de nous a une pierre à poser dans la construction du pays.
“Je pense que j’ai inspiré beaucoup de jeunes à travers le pays sur l’utilisation de leur savoir afin de divulguer les messages permettant l’avancement de la société.
L’avenir d’Haïti repose sur toi jeunesse. L’éducation est la seule clé qui ouvre sur un grand avenir pour le pays. Autant qu’il y a de jeunes autant qu’il y a de clés. À chacun sa pierre à poser pour le développement de notre chère patrie.
J’ai déjà posé ma pierre dans la construction de notre système sanitaire. Le fait de prôner la médecine préventive en écrivant des textes lus par des millions d’Haïtiens, c’est de faire savoir à l’Haïtien que sa santé est fragile, de connaître le fonctionnement de son corps, comment prévenir les complications, afin de savoir quand tout va mal et quoi faire en cas d’urgence, car la santé est précieuse”, conclut-il.
Bethaida Bernadel
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