Cette année, la situation socio-économique et politique du pays empoisonne les fêtes de fin d’année. Selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), l’inflation en Haïti a atteint un niveau inquiétant pour l’année 2022. La population est aux abois. Et comme si cela ne suffisait pas, on assiste à un retour problématique du choléra.
L’histoire des Haïtiens avec la cherté de la vie date depuis des lustres et l’année 2022 n’est pas une exception. Cependant, les données des institutions compétentes comme IHSI, CNSA, FAO prouvent qu’il existe une grande exagération pour l’année 2022. La situation est devenue de plus en plus intenable et insoutenable pour la majorité des gens qui vivent dans une misère extrême.
Cette année, on assiste à une forte croissance des prix des denrées alimentaires. Depuis le début de l’année 2022, les prix des produits de première nécessité ne font que grimper. Au marché comme dans les supermarchés, c’est la panique totale quand les gens doivent passer à la caisse ou encore payer les petits commerçants et les “madan sara” qui bravent les dangers pour rendre les produits plus accessibles dans les marchés publics.
Des statistiques inquiétantes enregistrées en 2022 par les institutions compétentes
Le dernier rapport de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), révèle une hausse des prix en octobre 2022 au niveau de l’indice des prix à la consommation qui a atteint 277.7 contre 250.2 en septembre, soit une augmentation mensuelle de 11,0 % et une inflation annualisée de 47.2 %.
Selon l’IHSI, les produits alimentaires et produits non alcoolisés ont atteint 53.1 %. Les produits alcoolisés, tabac et stupéfiants 31.4 %, articles habillement et chaussures 49.7 %, logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles 40.5 %, ; meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer 46.0 % ; santé 41.8 % ; transports 46.0 % ; communication 24.3 % ; loisirs 30.0 % ; enseignement 9.2 % ; restauration 38.8 % ; biens et services divers 41.6 %.
Au mois d’octobre dernier, l’organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le programme Alimentaire Mondial (PAM) avaient annoncé que des niveaux de faim catastrophiques ont été enregistrés pour la première fois dans le pays. D’après les deux ONG, la faim a atteint la phase 5, qui est la plus élevée.
Pour ce mois de décembre, la coordination nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) a informé que le panier alimentaire a augmenté à un rythme mensuel moyen de 12 % et de 98 % en glissement annuel. Plusieurs raisons expliquent cette situation, dont l’augmentation du prix de tous les produits qui composent le panier notamment la farine de blé, le maïs, l’huile végétale et le riz. La dépréciation de la gourde, l’insécurité et la mauvaise performance de la campagne agricole de printemps.
Une hausse vertigineuse des prix dans les marchés
Le mois de décembre est une période festive où l’on célèbre la Noël et les fêtes de fin d’année. C’est un moment opportun où les gens font des achats de vêtements et de nourritures pour passer les fêtes. Cette année, les prix des produits ont explosé dans les marchés.
Pour se procurer des denrées alimentaires dans les supermarchés, chez les grossistes ou encore dans les marchés, il faut s’assurer d’avoir une forte somme dans les poches.
Actuellement, le gros sac de riz est à 7 000 milles gourdes tandis que la moyenne marmite appelée ‘’doum’’ se vend entre 150 et 175 gourdes. Le “Doum” de blé est 200 gourdes tandis que le sac à 6 750 gourdes. Le gallon d’huile se vend à 1900 gourdes. La petite marmite de pois noir et de pois beurre sont vendues respectivement à 175 gourdes et 200 gourdes. Le ½ gallon d’huile est à 1000 gourdes. Le “Doum” de farine est à 125 gourdes, celui du sucre est à 150 gourdes, du maïs moulu à 225 gourdes tandis que celui de la marque Alberto est à 250 gourdes. Le sac de maïs moulu est au prix de 7 250 gourdes.
Le spaghetti Géant est au prix de 150 gourdes l’unité tandis que la demi-caisse est à 1750 gourdes. Le Classico se vend au prix de 125 gourdes, le spaghetti Itala au prix de 100 gourdes. Les paquets de macaroni sont au prix de 100 gourdes, tandis que la caisse est à 2500 gourdes. Une petite marmite de lait concentré est vendue entre 65 et 75 gourdes.
Les produits locaux grandement concernés
En ce qui a trait aux produits qui sont dits locaux, les prix ont également augmenté dans les marchés.
Actuellement, la marmite de riz jaune est à 1250 gourdes tandis que celle de Shelda est à 1000 gourdes. La marmite du petit mil est à 850 gourdes, le pois vert est à 200 gourdes. L’igname se vend entre 750 et 1000 gourdes. Actuellement, pour acheter du manioc, il faut avoir entre 200 à 400 gourdes. 2 bananes coûtent 100 gourdes.
En ce qui concerne les légumes, à l’heure actuelle, pour acheter un paquet d’épinard et de cresson, il faut avoir 100 gourdes au minimum, soit 50 gourdes le paquet. Une aubergine est à 75 gourdes. Un mirliton est vendu entre 50 et 75 gourdes. Un chou-fleur à 250 gourdes, une papaye entre 50 à 75 gourdes. Ces temps-ci, pour acheter des épices au marché, il faut avoir au moins 250 gourdes.
Les marchands ambulants vendent tous les matins les œufs bouillis à 25 gourdes l’unité, des figues bananes à 25 gourdes et des pistaches grillés sont vendus entre 25 gourdes et 75 gourdes.
Même pour faire la cuisson des aliments, c’est un véritable casse-tête, car les prix des aliments sont autant plus chers que les produits utilisés pour les cuire. La petite marmite de charbon coûte 150 gourdes. Les gens qui utilisent une bouteille de gaz propane ont besoin à peu près de 2500 gourdes. Les boîtes d’allumettes sont entre 10 à 15 gourdes et les paquets de bois de pin sont entre 25 à 50 gourdes.
Pour la lessive, une barre de savon est vendue à 60 gourdes, la petite marmite de la poudre à laver (fab) est à 100 gourdes, la petite bouteille de liquide à base de savon est à 75 gourdes.
Les serviettes hygiéniques de marques Lia et Actimed sont vendus entre 125 à 150 gourdes. Il faut avoir entre 500 à 1000 gourdes pour acheter un parfum bas de gamme et un lait corporel. À noter que les prix des produits sont variés d’un endroit à un autre et peuvent changer en moins d’une heure.
Des volailles à des prix exorbitants
Pour les volailles dans la ville de Hinche, les poulets appelés fréquemment « poul peyi » sont entre 1500 et 2000 gourdes. Le coq entre 2500 et 6 000 gourdes, les poulets venant de l’étranger sont entre 750 et 1000 gourdes. La pintade est vendue entre 2000 et 2500 gourdes. Le prix des dindes est varié entre 5 000 à 7 500 gourdes. Pour les poulets importés communément appelés « poul blanch», il faut avoir 250 gourdes pour acheter 3 cuisses de poulet étrangers.
À Port-au-Prince comme dans les villes de province, la situation est la même. Selon la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA), ce sont les marchés situés à Port-au-Prince, Jacmel, Port-de-Paix, Ouanaminthe et Cap-Haitien qui ont été les plus durement touchés par la flambée.
Du côté de la population haïtienne, c’est toujours le même refrain. Les gens sont impuissants et font remarquer leur désespoir dans des stations de radio, sur les réseaux sociaux ou encore lors des nombreux soulèvements populaires.
C’est le cas de Jeannine vendeuse de produits alimentaires qui affirme que cette année est la pire de toutes.
«Je n’ai jamais vu une situation pareille en Haïti. Les années précédentes n’étaient pas pourtant meilleures, mais l’année 2022 est la pire de toutes. Arrivée dans les magasins, on ne peut rien acheter. Jusqu’à présent, je peux dire que nous ne sommes pas dans un moment de fête ».
Vêtue d’un pantalon noir et d’un corsage froissé de couleur jaune, Marie-Antoinette, mère de 4 enfants, est vendeuse ambulante d’œufs et de figues bananes. De son côté elle croit qu’on va tous mourir de faim d’ici 2023.
«Absolument rien ne va dans le pays. J’ai essayé de faire tous les commerces insignifiants possibles pour survivre dans le pays. Mais hélas, c’est toujours aussi difficile de s’en sortir. Un pays, manger quotidiennement devient un luxe qui n’est pas permis à tout le monde. Quel avenir avons-nous comme pauvre ?» Questionne-t-elle, l’air triste.
Une grande augmentation sur les prix de la restauration populaire
Pour la restauration populaire, on trouve une catégorie de gens qui préfèrent se nourrir la plupart du temps à travers les rues. Dans les environs de Turgeau et Paco, dans certains endroits, les plats se vendent à 400 gourdes. Au bas de la ville, on peut les acheter à 300 gourdes. Pour ceux qui en ont les moyens pour fréquenter les restaurants de bas de gamme, il faut entre 750 à 1000 gourdes pour avoir un plat. Pour les autres restaurants, il faut avoir beaucoup plus d’argent.
En ce qui concerne les fritures, les choses ne sont plus comme avant. Maintenant, il faut avoir minimum 250 gourdes pour se présenter devant un marchand de fritures. Actuellement, les plats de pica pollo sont entre 400 à 500 gourdes, pareille pour les plats de barbecue. Les plats de griot et de tassot sont vendus au minimum 500 gourdes au plus. Les pâtés sont entre 100 et 150 gourdes, les smoothies haïtiens nommés « Ji kole » sont entre 150 et 200 gourdes.
Le peuple se plaint, l’État se tait
Face à cette situation alarmante, les dirigeants agissent comme si aucun problème n’a été identifié dans le pays. Au terme de l’année 2022, aucune disposition n’a été prise de la part du gouvernement pour la maîtrise du coût de la vie en Haïti. L’une des dernières mesures connues est l’ajustement sur les prix des produits pétroliers. Cependant, une grande rareté continue d’être observée dans les stations de service à Port-au-Prince et dans les villes de province.
À part l’insécurité provoquée par les gangs, les massacres par-ci par-là l’insécurité alimentaire aiguë est un enfer qui tue à petit feu la communauté haïtienne. En Haïti, des milliers de gens vivent à faible revenu. À cause du chômage, ils sont nombreux à croupir dans le chômage et les prévisions de la CNSA montrent que l’année 2023 ne sera pas mieux.
«Pour la période allant de mars à juin 2023, selon les analystes, une légère dégradation de la situation est attendue au niveau des zones dépendant de l’agriculture et a une légère amélioration au niveau des zones qui en dépendent un peu moins notamment les zones urbaines. Ce qui permettra de maintenir (mais un niveau qui restera élevé) le nombre de personnes nécessitant une assistance alimentaire urgente », lit-on sur la CNSA Haïti.
Bethaida Bernadel
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