Née à Port-au-Prince en 1984, Edine Célestin est photographe et militante des Droits Humains. Elle a d’abord étudié le Travail Social à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti avant de jetter son dévolu sur la photographie, sa véritable passion. Elle a entrepris des études en photographie au Centre d’Étude Photographique et Cinématographique (CEPEC), et suivi des ateliers avec Paolo WOODS, Gaël TURINE, Gabriele GALIMBERTI, Magdalena Herrera et Nicola LO CALZO.
Depuis 2013, elle se lance dans le photojournalisme. La même année, elle a fondé avec d’autres amis photographes le collectif haïtiens de photographes, K2D. Elle collabore avec le quotidien Le Nouvelliste, mais également avec des médias étrangers notamment le journal Le monde; Médiapart Round Earth Média et New-York Magazine. Occasionnellement, elle prête ses services à des particuliers, entreprises, ONG et autres fondations. Son travail a déjà été présenté au festival Visa pour l’image (France) et Selebrasyon Haiti (New-York).
Pour elle, le photojournalisme est le métier qui consiste à fournir aux journaux des reportages photos accompagnés éventuellement d’articles. «Il est la discipline qui exige de ses pratiquants: honnêteté, responsabilité, exactitude et vérité», déclare la photographe, qui participe actuellement à un travail collectif sur la mémoire du massacre de 1969 à Casale (Haïti) sous la direction de Nicola Lo Calzo. Et parallèlement, elle est sur le point de réaliser un travail documentaire sur la communauté LGBT en Haïti. C’est à travers ce projet, qu’elle va se positionner véritablement comme photographe militante.
La préparation de mes reportages dépend de s’il s’agit d’une commande ou d’un travail personnel. «En général, je choisis mon sujet, mon angle, je me documente, j’écris mon synopsis, je fais les contacts, je fais les visites exploratoires et ensuite je me lance. Mais, je ne suis pas forcément obligée de suivre cet ordre, tout dépend aussi du sujet et des circonstances.», poursuit-elle, tout en précisant que la limite morale en photographie n’est pas de ne pas prendre un cliché, mais plutôt de rester humain et traiter nos sujets avec dignité et humanité. « Tous les sujets méritent et peuvent être abordé., Il y a une façon de faire. Ce qui est important pour moi c’est de rester humain tout en pratiquant le photojournalisme, ce n’est pas la photo avant tout », ajoute-t-elle.
En Haiti, le photojournalisme est un métier aussi passionnant qu’excitant, qui est en expansion, mais « qui n’est pas vulgarisé et pour lequel on n’a pas beaucoup de considération dans la presse. Le photojournaliste quant à lui est traité en parent pauvre. Il est mal payé par les médias haïtiens, il est considéré comme un fouineur, un ennemi la plupart du temps. On pense qu’on veut se servir de la misère des gens pour se faire de l’argent», mentionne Edine. Tandis que le principal but d’un photojournaliste est d’aider, de mettre en lumière certaines situations avec l’espoir que ça les aidera à changer.
Le photojournalisme est un métier très dangereux. Les pratiquants doivent être sous le feu de l’action. Ils doivent être auprès des gens, pour prendre la photo. Cependant, ils n’ont ni assurance, ni équipements nécessaires (Casques, masque à gaz, Gilet par balles) étant pour la plupart des photographes indépendants. Il n’y a aucune législation sur ce métier… « Nos reportages concernent la plupart du temps des quartiers défavorisés, où certaines personnes ne nous voient pas d’un bon œil, mais plutôt comme des espions. Nous sommes très exposés», confirme l’ancienne étudiante de la Faculté des Sciences Humaines.
Selon Edine, c’est un métier fabuleux en dépit de tout, pour le pratiquer dans des zones de conflits, il faut savoir anticiper, observer et aussi développer une grande capacité d’adaptation. « Il faut collaborer souvent avec la population, et avoir des “fixeurs”. Il faut avoir de bons réflexes et savoir se protéger. Il faut surtout être prudent ».
Négligé en Haïti, le photojournalisme permet de mettre en lumière les situations difficiles qui peuplent le quotidien des gens. Il permet en quelque sorte de dénoncer afin qu’un quelconque changement soit apporté. « On est des initiateurs de changement. C’est vraiment pourquoi j’aime ce métier», conclut-elle en souriant.
Snayder Pierre Louis
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