Tout le débat est parti du droit à la propriété et du droit au travail acquis
depuis 1793 au prix des luttes de libération des esclaves d’alors à Saint Domingue(CEPODE,2012).La liberté a donc été conquise dans l’action concrète qui a suggéré un revirement de l’histoire. De plus en plus, la liberté comme vécu se serait effritée dans le cadre des relations d’aliénation qu’impose le système capitaliste. Il se resserre de plus en plus l’étau pour ramener le travailleur ou la travailleuse à son plus vil abêtissement. Le recours aux appareils répressifs à travers les forces armées et les forces de police, associé à l’appareil du droit est un atout entre les mains des classes dominantes aidées par ses représentants valets dans le bloc au pouvoir, soient les membres de gouvernement.
Le droit à la propriété et le droit au travail sont escamotés dans leur jouissance par des formules de raccourcis qui trouvent leur expression dans les faveurs et l’assistance publique (les cash for work, les compensations extra assistancielles de l’ONA, les cartes de débit, dans le cas d’Haïti).Ce qui est loin de garantir la reproduction de la force de travail ainsi que celle de la population, en guise de crédo du capitalisme originel. La France, en dépit de la révolution de 1789 qui a prôné les principes de liberté, d’égalité et de fraternité devait tenter un dépassement qualitatif qu’en 1848.La lutte des travailleurs pour ses droits et liberté est une longue quête historique marquée par des flux et reflux. Le néolibéralisme triomphaliste des années 1980 et la promotion progressive du militarisme ont fait restreindre l’espace de participation des travailleurs voire celui des couches des petites bourgeoisies professionnelles tout comme des agents des forces de sécurité publique.
Tout près de nous, des forfaits sont marqués pour détourner les travailleurs de l’exercice de leur droit acquis surtout dans la conjoncture post séisme 2010 en Haïti. Le premier forfait consiste en la promulgation d’une loi scélérate et illégale de 3*8 qui a renversé la situation de conquête ante qui a plutôt garanti des compensations pour le travail de nuit aussi bien que le travail fourni en fin de semaine ou durant des jours de congés. Le forfait en cours serait le projet d’élaboration d’une nouvelle constitution dans la visée d’enlever les droits fondamentaux à la participation du peuple haïtien.
Des appendices aux libertés et aux droits s’assimilent à des miettes sociales revendiquées paradoxalement. Voila le contexte dans lequel s’inscrivent de nouvelles luttes sociales dont la lutte des policiers pour le droit associatif consistant en la formation d’un syndicat au sein de ce corps.
La notion de liberté serait à la dérive déjà dans ses diverses appréhensions desquelles on tente de faire la part des choses. Il s’agit de la liberté associée à la raison mais qui se réfère au principe de nécessité. Le déterminisme existant ne résout pas le problème de choix. Aussi la morale confère-t-elle des valeurs de responsabilité et de devoir comme exigences car la morale se passe de toute contrainte. Ainsi la résignation peut-elle se manifester si l’on tient même à Spinoza pour qui l’on doit obéissance aux lois justes dans la cité et basées sur la raison. Puis dans la relation entre liberté et paternalisme, il faudrait attendre d’un chef la façon dont on doit être heureux. Ce, dans le cas d’un gouvernement qui serait fondé sur le principe de bienveillance envers son peuple que Kant en est allé à l’encontre. La liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur telle est la perspective de Marx pour tenter de faire la part des choses dans le Capital ( 1867).
Ces réflexions servent de pistes de compréhension des nouvelles luttes sociales en Haïti
-Michel Hector, Syndicalisme et socialisme en Haïti, 1932-1970, Henri Deschamps, Port-au-Prince 1989.-Hancy Pierre « Haïti-Droit du travail et conjoncture-Des droits des travailleurs, deux pas en arrière ? », in Le Nouvelliste, 17 juillet 2017.-Hancy Pierre « Habitat et luttes sociales en Haïti (1930-2010) :bilan et perspectives » in Cahiers du CEPODE No 3,Editions CEPODE, Presses Nationales, Port-au-Prince juin 2012.-Charles Vorbe, « Séisme, humanitarisme et interventionnisme en Haiti « , in Cahiers du CEPODE No 2, Imprimeur II , Port-au-Prince mai 2011.
Hancy PIERRE
Professeur, Université d’Etat d’Haïti
The University of Findlay, Ohio, USA
Port-au-Prince,14 mars 2020
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