Par ALEXANDRE. (SamAL) Mars 2020.
samuelalexandrefils@gmail.com
Découvert en décembre 2019 à Wuhan, en Chine, le nouveau Corona Virus surnommé Covid-19, fait rage dans le monde. Devenu pandémique selon l’OMS (2), les autorités sanitaires étatiques sensibilisent, par tous les moyens, les peuples, dans le but de réduire au maximum les dégâts qu’il peut causer en termes de pertes en vie humaine. Cependant, le gouvernement haïtien semble n’avoir aucune stratégie de communication en vue d’accompagner au mieux sa population à l’arrivée et au passage de ce virus mortel qui risque de laisser des traces extrêmement douloureuses. Pas besoin de rappeler des mesures prises, des instructions et conseils donnés via les communiqués, les annonces et les publicités diffusées dans les différentes presses haïtiennes avec la participation de quelques artistes qui, pour une fois, voulaient être utiles à la population sous l’ère Tèt Kale.
Cependant, ce qui suscite notre curiosité et augmente notre inquiétude, est que pour faire passer ces annonces et communiqués, on n’utilise pas, dans la plupart des cas, tous les canaux de communication existants.
Force est donc de constater qu’on ne prenne pas en compte la situation particulière des personnes déficientes sensorielles (auditives, visuelles) qui, différentes dans leur corps (le corps considéré comme outil de discrimination et d’exclusion sociale. P. Bourdieu) (3), ont des besoins particuliers pour faire face aux situations quotidiennes de la vie, notamment en ce qui a trait à l’accessibilité à l’information. C’est à se demander, dans ce contexte de sensibilisation contre le Covid-19, si les notions d’égalité et d’équité n’ont plus leur sens dès lors qu’on se trouve en situation de crise extrême ? Est-ce que certain groupes de la population n’ont pas le droit d’avoir accès aux informations devant leur permettre, comme les autres individus, de protéger leur vie en toute quiétude ainsi que celle de leur proche ? Si vraiment il y a une vie à protéger dans ce pays où tout perd son sens.
Il est un fait, et c’est normal, que tout le monde ne puisse pas accéder à l’information de la même manière. Certaines personnes, pour s’informer, utilisent ses yeux et ses oreilles (4) pour lire et entendre. D’autres, à cause d’une déficience (5) partielle ou totale, doivent obligatoirement utiliser d’autres canaux de communication pour parvenir à l’information. Nous pensons notamment à la langue des signes et le sous-titrage dans les contenus audiovisuels pour les personnes sourdes, l’écriture Braille pour les personnes aveugles, la langue des signes tactiles (6) pour les personnes à la fois sourdes et aveugles etc.
Tous les individus étant égaux en dignité et en droit si l’on se réfère à la Déclaration universelle des droits humains, il ne devrait pas y avoir de l’inégalité et de la discrimination dans la diffusion des informations en ce sens que tout le monde, aussi différent soit-on dans son corps et/ou dans son esprit, a l’ultime droit d’être informé. Droit qui est d’ailleurs, en dehors de la charte de l’ONU (8), garanti par la loi mère du pays (7).
Pourtant, on constate des traducteurs en langues des signes dans des rares interventions publiques des autorités à la télé. On n’a pas remarqué non plus l’usage de sous-titrages dans les annonces et messages de sensibilisation qui se défilent sur nos petits écrans. Comment L’État haïtien devrait accompagner les déficients visuels (non-voyants) qui doivent respecter la distance de 1 mètre 50 recommandée par les autorités sanitaires ?
Il faut comprendre qu’avec la différence qui le caractérise, l’autre n’est ni inférieur ni un non-béni de Dieu. Etant différent, il a simplement des besoins spécifiques et qu’à l’aide des moyens et méthodes particuliers, il peut vivre pleinement sa vie dans la communauté à laquelle il appartient.
Tout le monde, déficient ou non, doit être capable de circuler, de s’informer, de participer sans difficulté à la vie sociale moyennant que les conditions adaptées et adaptables à la situation de chaque individu, soient créées.
Dans ses actions contre cette pandémie sans précédent dans l’histoire de l’Humanité, que L’État haïtien, aussi nul et corrompu soit-il, pour une fois, considère la population dans ses différentes composantes, en faisant appel à la compétence en lieu et place de la médiocrité brute, en tenant compte des besoins particuliers de tous et de chacun.
Des pistes de propositions (non exhaustives) :
• Utiliser beaucoup plus d’images dans les messages de sensibilisation.
-Mettre des sous-titrages dans les annonces, les messages de sensibilisations etc.
• Utiliser les étudiants-es en langues des signes dans les points et/ou conférences de presse donnés par les autorités.
• Mettre en Écriture Braille toutes les informations et consignes nécessaires sur la maladie pour les non-voyants.
• S’assurer que toutes les institutions hospitalières disposent de traducteurs en langue des signes capables d’accompagner les personnels médicaux dans la prise en charge éventuelle des patients sourds qui présenteraient des symptômes du virus en cette période de crise pandémique.
• Faciliter l’accessibilité des personnes à mobilité réduite dans les hôpitaux.
- Expliquer, pédagogiquement, ce qu’est une distance d’1 mètre 50 a la population en général en utilisant des exemples concrets.
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En somme, espérons que ce système-monde inhumain, où tout est marchandise, va s’effondrer avec e passage de cette pandémie pour faire place à un système économique, social, politique, écologique mondial qui sera basé sur le respect de la dignité humaine et la solidarité des peuples.
Notes
1- Nous employons le thème “personnes déficientes” en lieu et place de personnes handicapées par ce que nous sommes du côté de ceux qui appuient que le handicap est extérieur à la personne et que c’est le milieu socio-environnemental qui produit le handicap.
Voir Patrick FOUGERYROLLAS. Comprendre le processus de Production du Handicap (PPH) et agir pour la participation sociale, une responsabilité sociale et collective. Québec, 1998.
2-Organisation Mondiale de la Santé.
3- BOURDIEU Pierre. Remarques provisoires sur la perception sociale du corps. In Actes de la recherche en sciences sociales. Vol 14, avril 1997.
4- Dans la mesure où le système auditif n’est pas altéré.
5- Perte de toute ou d’une partie de ses fonctions physiques, intellectuelles qui modifie la façon de sentir, d’écouter, de penser, de parler, d’apprendre etc.
Voir Josué JOSEPH. L’accessibilité à la culture et aux loisirs en Haïti: un défi majeur dans le processus d’inclusion sociale des personnes handicapées. Surenes, Juillet, 2014.
6- Elle est pratiquée au creux des mains, sur le visage, sur le corps où les doigts des interlocuteurs se touchent, se lient et se délient pour former des phrases, exprimer des idées ou des concepts etc…
7-Constitution de1987 de la république d’Haïti. Article 40: Obligation est faite à l’état de donner par voie de presse parlée, écrite et télévisée, en langue créole et française, aux lois, arrêtés, décrets, accord internationaux, traités, conventions, à tout ce qui touche la vie nationale exception faite pour les informations relevant de la sécurité nationale (Ajout de Amos ALEXANDRE).
8- ONU, charte des droits de l’homme. Article 19: tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de répandre sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit (Ajout de Amos ALEXANDRE).
9- Personnes à la fois sourdes et non-voyantes.
Samuel ALEXANDRE. (SamAL). Étudiant haitien, membre SEL-AYITI.
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Mars 2020