Si le fait de sortir derrière les barreaux éloigne les ex-détenues des atrocités de la prison, il ne les épargne pas des stigmatisations de cette société de censure. Moquerie, méfiance, rejet, abandon, autant de comportements négatifs peuvent faire obstacles aux victimes et les plonger dans l’abime du désespoir et du refoulement. Dans le but de venir en aide aux femmes qui ont connu l’enfer carcéral en Haïti, l’association Quatre Chemins donne vie au projet « Bay lavi sans », en partenariat avec ONU FEMMES.
« Bay lavi sans » vise les anciennes détenues, majoritairement des victimes de détention préventive prolongée. Ce projet a pour but de réinsérer socialement une cinquantaine de femmes âgées entre 16 et 57 ans. À cela, les outils comme la danse et le théâtre sont les principaux médiums de travail utilisés.
Selon le responsable de communication de l’association Quatre Chemins Michaël Formilus, ce projet permettra à ces femmes de mieux réorienter leurs vies vers d’autres horizons, de continuer à vivre pleinement la vie car elles ont le plein droit. « En Haïti, dès qu’on a fait la prison on est stigmatisée, on est vue différemment des autres. C’est comme dire qu’on est des rejets de la société », s’indigne Germaine une ancienne détenue.
A travers « Bay lavi sans », ces femmes peuvent aussi devenir des personnes remarquables dans la société et des modèles pour d’autres qui ont connu des violences de toutes sortes et qui ont peur de réintégrer la société à cause des discriminations liées à leur passé. Grâce à ce projet, beaucoup d’entre elles commencent à rêver, à voir la vie autrement et à se projeter dans le futur.
Par ailleurs, Fabiola Rémy l’une des bénéficiaires de « Bay Lavi Sans » a passé sept (7) ans à la prison de Pétion-Ville. Maintenant elle est comédienne et actrice. Fabiola vient tout juste de fouler le tapis rouge comme actrice du film « Freda » de Gessica Généus au 74e festival International de Cannes, en France. Après sa libération le 14 juin 2016, elle a été encadrée par l’association Quatre Chemins et le Bureau des Droits humains en Haïti (BDHH) à travers le projet « Gouyad Senpyè ». Il s’agit d’une pièce de théâtre écrite par Darline Gilles et mise en scène par Anyès Noël, inspirée des vécus des femmes en prison. Celle-ci a fait l’objet d’une tournée nationale entre 2017 et 2020.
S’inscrivant dans le cadre du programme « Théâtre Citoyen », le projet « Bay lavi sans » s’étale sur une durée de vingt (20) mois. Il embrasse un ensemble d’activités pouvant aider ces femmes à mieux se reconnaître : atelier de danse et de théâtre, assistance psychologique et juridique, formations diverses sur le droit et sur les activités génératrices de revenus. Ce projet est soutenu par le Fonds Women’s Peace & Humanitarian Found (WPHF) et Initiative Spotlight.
Des partenaires opérationnels font aussi partie de ce noble projet: Nègès Mawon, Association Haïtienne de Psychologie (AHPSY), Mouvement Mutation et autres. Chacun de ces partenaires contribuent différemment à la réinsertion sociale des femmes.
«Bay lavi sans» semble venir à point nommé pour les anciennes détenues. En effet, elles ont trouvé un espace où elles peuvent se socialiser, être elles-mêmes et du même coup découvrir les talents qui sommeillent en elles.
Baby-Lovely Demeille
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