C’est l’une des musiques qui décrivent le mieux la crise qui prévaut en Haïti, ce pays exsangue, piégé aux jeux de la politicaillerie depuis longtemps. Avec des habitants qui vivent sous le seuil extrême de la pauvreté, des enfants armés qui assurent la relève au sein des gangs, des politicards qui puisent les miettes ressources du pays, Haïti n’a jamais été aussi mal barré. Des problèmes que la bande à Dener Ceide a pris le soin de poser dans Savalou, un chef d’oeuvre que Mag Haïti vous propose de redécouvrir.
Il y a de ces musiques dont la particularité est de peindre la réalité telle qu’elle est, de n’offenser personne, mais de toucher tous ceux qui d’une manière ou d’une autre ont contribué à faire de Haïti ce qu’il est aujourd’hui ; une honte aux yeux du monde.
“Nan Gran ravin, Tibwa, Geto yo toujou gon men ki ap manipile l , nèg ki lekòl ki ap kenbe galil nan men l san l pa achte l, nan bidonvil ayisyen ap viv an ekzil nan pwòp peyi l, otorite w pa ka pran pwòp pèp ou kòm lènmi w ou la pou sèvi l. Ewo nou yo pat travay pou sa.”
Sortie en 2019, Savalou est cette musique qui continue à faire du bruit malgré le silence pesant du groupe Zafem. Environ 2 ans plus tard, elle détient le record de l’une des musiques les plus écoutées avec 1, 2 millions de visionnements sur la page officielle du groupe et 3,1 millions sur celle de Kompagrooves.
Savalou, ce n’est pas seulement une musique mélodieuse, c’est aussi une ode à la conscience entonnée par deux cerveaux de la musique haïtienne en l’occurrence Dener Ceide et Réginald Cangé. Ce sont des paroles qui ont le pouvoir de toucher l’âme la plus insensible, de transpercer le coeur le plus impitoyable. Savalou, c’est aussi une caricature qui ne dénature en aucun cas le quotidien de l’Haïtien.
“Lajistis toujou pi prese pou trase legzanp sou malere, men mèt afè a ap byen sikile se yo ki pi gwo privilejye, yo vinn pran epi yo ale san yo pa negosye, peyi sila ap viv kou òfelen nan mitan yon bann gwo je“.
2 ans après l’accomplissement de ce coup de génie, la situation politique du pays donne raison à Zafem ou plutôt elle confirme les dires du groupe. Savalou est en quelque sorte une prophétie qui s’incruste dans l’agissement de nos politiciens et qui met en lumière un pays qui est dans un état de décrépitude extrême. Pour faire court, Savalou est une musique de tous les jours.
C’est dans un communiqué de presse que Dener Ceide et Réginald Cangé avaient annoncé le nom de leur nouvelle formation musicale “ZAFEM” en mars 2019. Sa dernière musique en date, “A la de ka“, sortie en décembre 2020, avait suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux. Elle a enregistré à cette date plus de 3 millions de vues, et suscite toujours la même euphorie au près des fans du groupe.
Zafem ce n’est pas seulement une affaire de nombre de vue sur YouTube, mais c’est aussi le fond et la forme. Quoi que le groupe a été critiqué ces derniers temps à cause des promesses non tenues, il reste néanmoins l’un des jazz les plus populaires dans le pays avec ces deux chansons pour près de trois ans d’existence. Comme le dicton le dit à bon vin point d’enseigne.
Marckenley Elie
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