Depuis des années, les conflits armés s’enlisent dans la société haïtienne. Les gangs armés qui sont à l’origine de ces conflits d’une rare violence et qui traumatisent la population. Les petits détaillants, notamment ceux des marchés publics, sont parmi les personnes les plus touchés par ce fléau.
Dans les marchés publics de Port-au-Prince, notamment à la Croix-des-Bossales, au marché Hyppolite, Marché Salomon et Marché Tunel de Carrefour-Feuilles, les bandes armées font la loi. Ils pillent, incendient et tuent. N’ayant aucune gène en rançonnant les commerçants quotidiennement, ils fixent les montants à prélever auprès de ces derniers. Cette pratique est valable dans presque tous les marchés de la région métropolitaine de Port-au-Prince, d’où certains conflits de gangs pour le contrôle de territoires stratégiques.
A Martissant, les marchands constituent les principales victimes lors des affrontements entre les gangs de la 3e circonscription de Port-au-Prince. Plusieurs commerçants qui transportent des denrées en provenance du grand Sud ont été bloqués pendant plusieurs jours à Carrefour.
Frantz, un étudiant de la faculté des sciences humaines a partagé avec nous ses observations: En juin dernier, lors de la guerre des gangs à Martissant. Ces marchands là ont été obligés de s’installer près de la Marine haïtienne, à Carrefour. Ils ont dû liquider à vil prix leurs produits: papaye, cerise, melon et tant d’autres denrées périssables.
” Ils peuvent même les brûler comme si vous étiez leurs employés”
Gladys, une femme de 57 ans, mère de 3 enfants, qui vend des bananes raconte son quotidien. « Je suis à la Croix-des-Bossales depuis le règne des Duvalier. Cela fait un certain temps depuis que les bandits nous persécutent sans arrêt. Ils nous égorgent tous les jours, du lundi au vendredi, quand ils viennent prendre de l’argent, ils sont très violents. Au cas où vous refuseriez de leur donner de l’argent, ils menacent de vous tuer et enlèvent tous ce que vous avez. Ils peuvent même les brûler comme si vous étiez leurs employés.
Dans la nuit, Léonie une autre commerçante et ses camarades d’infortune font surveiller leurs marchandises par un gardien. Cela leur coûte quatre fois plus cher que d’aller les ranger dans un entrepôt, mais cela ne vaut pas la peine. « Elles sont plus en sécurité dans la rue que dans les entrepôts”, soutient-elle.
A force de vouloir subvenir aux besoins de leur famille, les marchands doivent côtoyer la mort tous les jours. À titre d’exemple, les gangs de la coalition du “G9 an Fanmi e Alye” dirigé par Jimmy Chérisier dit Barbecue, ont récemment occupé pratiquement toutes les rues de Port-au-prince, causant la mort de plusieurs personnes dont des petits commerçants. D’autres sont sortis blessés lors de ces assauts.
Entre recettes de gangs, dérapages et balles perdues, les commerçants qui sont aux premières loges de ces conflits de gangs armés sont pris en sandwich dans ce climat de violence perpétuelle. Considérant la crise économique qui perdure dans le pays et cette violence sans précédent, ces petits commerçants livrés a eux-même constituent l’une des rares sources d’approvisionnement en denrées alimentaires vers les différents quartiers de la capitale.
© Tous droits réservés – Groupe Média MAGHAITI 2021