Le 18 novembre 2020, les “Forces Armées d’Haïti”, entre guillemets, s’apprêtent à célébrer leur jour de fête. 217 ans? 115 ans? 3 ans? Tout un débat pourrait être lancé sur l’âge de cette institution qui depuis sa problématique posée par François Denis Légitime en 1879 ne correspond pas vraiment à une armée dans le sens le plus complet du terme. Encore moins aujourd’hui avec un bataillon d’infanterie pas si bien équipé et non encore aguerri.
À l’occasion de cette célébration qui s’annonce comme d’habitude sous fond de manifestation politique, deux processus de recrutement ont été lancés afin de renforcer les rangs. L’un pour une classe de cadets, et l’autre à l’intention de futurs soldats moyennant qu’ils aient réussi non plus le bac 2, mais la neuvième année fondamentale. Le projet avance bien soutiennent déjà certains, encore que l’Etat major ne tient pas compte de la tracée du livre Blanc quel qu’il soit décevant pour ceux qui s’y connaissent. Qui pis est, cet organe ayant à sa tête un général de division (équivalent de lieutenant-général) qui ne dispose guère d’une division, d’une part n’a jamais répondu aux dispositions de l’Arrêté de novembre 2017 qui fixe sa mission à la mise en place de conditions et prérequis pour le rétablissement de la prétendue armée en hibernation depuis 1995; et d’autre part constitue un commandement de facto compte tenu qu’au regard de cet Arrêté le commandant en chef intérimaire ne détient qu’un mandat de deux ans. Les “senex” sont dépassés. Autrefois rongés par une nostalgie, et maintenant gonflés d’orgueil, ils pensent qu’à savourer une revanche politique sur la mouvance Lavalas et, n’arrivent pas à aplanir la butte intergénérationnelle. Les jeunes officiers formés en Équateur sont pour ainsi dire persécutés et relégués, rappelant en conséquence l’histoire de la fracture entre la Promotion Jean Claude Duvalier de 1971 et celles d’avant la fermeture de l’Académie militaire par François Duvalier. L’expression “les officiers bâtards” jadis utilisée pour qualifier ceux formés à l’étranger a repris timidement son droit.
Pour avoir pris position publiquement, il y a quatre ans, pour le retour de l’armée, une vraie, et qui saurait répondre aux exigences actuelles, je m’étais fait des antagonistes dont un cinéaste influent et un jeune intellectuel très brillant qui travaille dorénavant pour le gouvernement au niveau de la diplomatie. Aujourd’hui je risquerais d’ajouter quelques autres dans la liste en rectifiant ladite position pour admettre que cette façon de retourner avec l’armée n’est en aucun cas la meilleure. Il va falloir freiner la machine, ajuster quelques pièces et faire la vidange afin d’éviter des accidents.
Loin d’encourager une campagne de dénigrement, c’est là sous-entendre que tenant la question à cœur, et anciennement collaborateur au ministère de la Défense, il est pour moi un devoir que d’une critique de souligner pour qui veut l’entendre que les Forces Armées d’Haïti dans leur relance qui paraît un peu similaire avec la création de la Police nationale d’Haïti en 1995 seront, à moins d’un desamorçage tant qu’il est encore temps, une bombe sale à retardement.
Ricardo Germain