Vies brisées, humiliations, tortures, traumatismes, depuis un certain temps les femmes haïtiennes vivent leur féminité avec la peur au ventre. S’inquiétant de leur sécurité, elles ne peuvent compter sur personnes face à la violence des gangs armés qui les guettent constamment.
Séquestrées par ces dangereux criminels, des filles et des femmes de tout âge sont régulièrement victimes de tortures et sévices sexuels. Abusées, dépouillées de toutes leurs ressources pour payer en rançon des sommes qu’elles n’ont pas, angoissées à l’idée de parler de leurs vécus, alors que leurs agresseurs courent les rues, beaucoup de femmes haïtiennes s’enferment dans leur douleur, sous les regards complices d’une société pétrie d’impunité.
En effet, depuis plusieurs mois déjà, Haïti fait face à une crise politique et sécuritaire sans précédent. Le taux d’insécurité a touché un pic jamais atteint et rivalise aisément avec la lourde période de la dictature Duvaliériste qu’a connue le pays entre 1957 et 1986. Assassinats, kidnappings, viols et vols se comptent par centaines. Le pays est plongé dans une spirale de violence généralisée où personne n’est en sécurité.
Si Haïti a plus ou moins été épargné par la pandémie du Coronavirus, l’insécurité qui fait rage et qui s’intensifie de jour en jour est largement comparable aux conséquences du fléau mondial. La mort frappe à tout moment, et les haïtiens apeurés instaurent eux-mêmes leur “couvre-feu”, de manière à déguerpir les rues à la nuit tombée.
Par ailleurs, les bandits disséminés dans plusieurs groupes de gangs tristement réputés sèment douleur et deuil dans les familles haïtiennes. N’épargnant personnes, même l’école et l’église sont touchées. Toutefois, les femmes constituent les cibles les plus malmenées par ces bandits, et ceci, sous l’œil passif des autorités qui se montrent trop souvent réticents à la riposte.
Aucun chiffre officiel n’est disponible quant au nombre de femmes victimes de kidnapping dans le pays, toutefois, le nombre de cas d’enlèvement en 2021 tend nettement vers la hausse par rapport à 2020. Selon un rapport de la CARDH, durant le premier trimestre de cette année (janvier, février, mars), 142 cas de kidnapping ont été recensés dans le pays, ce qui représente près du triple des cas enregistrés sur cette même période en 2020. Notons qu’en Mars dernier, pas moins de 20 personnes ont été kidnappées parmi lesquelles 5 filles.
En outre, plusieurs cas hautement médiatisés sont devenus viraux sur les réseaux sociaux notamment la jeune écolière Evelyne Sincère retrouvée morte dans une décharge en Novembre 2020. Elle a été séquestrée, violentée avant d’être tuée par les hommes qui la séquestrait. Une autre écolière du nom de Géraldine J. a passé plusieurs jours aux mains de ses ravisseurs, à sa libération, elle a été envoyée d’urgence à l’hôpital car elle présentait des signes d’abus sexuels et était en piteux états. Un autre cas récent a bouleversé les esprits, celui de cette jeune mère de famille kidnappée avec son mari et qui a été violée sous le regard impuissant de ce dernier, avant d’être lui-même tué par ses bourreaux. Des crimes qui révèlent l’horreur de ce qui se passe réellement dans le pays.
Des crimes sont aussi commis dans les quartiers populaires. Les nombreux cas de viols recensés à Cité-Soleil en juillet 2020, où près d’une quinzaine de femmes ont été victimes et à La Saline deux ans plus tôt lors d’un terrible massacre causant la mort à 71 personnes et au viol collectif de 11 femmes. Les cas de plusieurs jeunes filles violées par des bandits malgré la somme versée par leurs proches pour leur libération et qui n’ont d’autre choix que de déambuler dans des stations de radio pour demander de l’aide sur les ondes pour essayer de se reconstruire peuvent aussi attester cette réalité accablante auquel le peuple fait face. En Haïti, “se taire” pour ces femmes qui portent en elles les séquelles de la violence peut aussi vouloir dire hurler sa souffrance aux yeux du monde.
Être femme en Haïti fait peur. Sortir dans les rues et se demander si c’est son dernier jour, si son chemin ne va pas croiser celui des bandits, vivre dans le cauchemar constant des victimes de viols collectifs, d’abus de toutes sortes est le lot quotidien de beaucoup de femmes haïtiennes.
Sous ce régime qui adopte des décisions ouvertement dictatoriales et arbitraires, qui ferment ses yeux complices sur le cri d’un peuple brisé, les femmes qui étaient le moteur économique de cette société ont peine à se relever de cette lutte contre un système qui clairement les dépasse. La peur au ventre, elles essaient de mener une vie qui, à tout moment peut leur échapper. C’est le règne de la peur!
Eleine Jn Pierre
© Tous droits réservés – Groupe Média MAGHAITI 2021