D’une petite camera compacte avec des pellicules jusqu’aux matériels sophistiqués de tournage, Estaïlove ST-VAL, dès son plus jeune âge, avait décidé de poursuivre son rêve. Bien qu’il se passionne déjà à prendre en photos les membres de sa famille, c’est à CEPEC, en 2012, qu’il a commencé à mieux connaître la caméra pour enfin suivre des ateliers en photojournalisme- documentaire à la FOKAL. Peu de temps après, il intègre le Ciné Institute sis à Jacmel, la seule école qui forme des techniciens en cinéma dans tous le pays. Depuis lors, il s’adonne totalement au métier de cinéaste et laisse tomber le photojournalisme.
Estaïlove avoue que c’est par la force des choses qu’il a eu l’opportunité d’intégrer l’école de cinéma puisqu’au début ce n’était pas son choix de carrière si nous prenons en considération la situation sociopolitique et économique du pays deux années après le séisme de 2010. « Après avoir bouclé mes études classiques, je n’avais pas l’intention d’apprendre le cinéma bien que je l’aimais. À ma connaissance, il n’y avait pas d’école de cinéma dans le pays et en plus ce métier n’était pas encore valorisé à sa juste valeur. Une opportunité a entraîné une autre et c’est là que la chance m’a souri, j’ai atterri à Ciné Institute en 2014…» déclare-t-il.
À l’école, le jeune créateur a occupé le poste de directeur de la photographie sur deux (2) court-métrages, une fiction qui a pour titre Lavi nan lespri en première année et l’année suivante, un documentaire dont le titre évocateur est Là-bas. Ce dernier film a dépassé le cadre scolaire et a été très apprécié à l’étranger. De là l’envie de continuer à réaliser des documentaires a germé dans sa tête, c’est pourquoi il travaille en ce moment sur « La cassette » un documentaire biographique sur sa grand-mère.
Récemment, il a travaillé en tant que cadreur sur un projet dénommé Footsep. Il a aussi réalisé The Vocation, un film qui met en valeur la solidarité des haïtiens vis-à-vis d’autres haïtiens. Ce film a été projeté dans plusieurs festivals aux USA. « À vrai dire, je n’ai pas d’autres métiers. Je gagne ma vie en étant cinéaste-vidéographe-photographe. Comme vidéaste je fais un peu de tout mais principalement je réalise, je filme et je monte. C’est une façon de dire que je travaille toujours sur quelques choses.» confie-t-il.
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Estaïlove ST-VAL avoue qu’il aime d’un amour incommensurable le poste de directeur de la photographie sur les projets cinématographiques. Son bien-être se trouve dans la définition des plans avec les réalisateurs et aussi dans le réglage des lumières afin d’obtenir de belles images à l’écran. À côté de tous ses efforts, il est conscient de la décrépitude du cinéma haïtien depuis plusieurs années et croit dur comme fer que nous devons agir en produisant de bons films pour qu’il survive.
Pour lui, le cinéma à la capacité d’éduquer, d’influencer et d’exporter une culture d’une société à une autre. « L’une des forces des États-Unis d’Amérique c’est leur cinéma. Tout le monde connait Hollywood. À travers son industrie cinématographique, il influence le monde par sa culture et sa vision des choses…» observe-t-il.
Il rapporte également: « Je ne sais pas ce qui amènera une industrie de film dans le pays mais pour arriver à ce stade, il y a des aspects qui nécessite l’intervention de l’état haïtien. Par exemple, nous n’avons aucun texte de lois sur la coproduction, l’état ne le reconnaît pas. Contrairement à nous, la République Dominicaine le reconnaît, cela facilite les échanges économiques et la cession de droits. En plus, nous avons le problème d’acting à résoudre sans oublier la question de distribution de masse. Un film ça coute de l’argent et il faut des espaces de projections pour faire des entrées économiques… »
Estaïlove pense d’emblée que le cinéma qui respecte les normes internationales peut exister en Haïti puisque dans le passé nous avons réalisé de très bons films. Dans la liste des films qu’il a eu la possibilité de visionner, il y classe le film Sonson pour son histoire atypique sur la réalité haïtienne, Kafou pour son côté technique qui n’a rien à envier aux productions cinématographiques américaines, Freda et Ayiti mon amour pour leurs parcours spectaculaires dans le monde du cinéma internationale. Toutefois, le jeune cinéaste se sent lésé par le manque d’accès aux films sur les plateformes de streaming dans ce 21ème siècle où la technologie s’agrandit à toute vitesse.
Malgré les problèmes socio-économiques et politiques, ST-VAL espère toujours un retournement de la situation dans le pays comme tant d’autres haïtiens. Il choisit de participer dans la lutte contre le système en utilisant sa caméra, et ses œuvres cinématographiques montrent clairement sa démarche. Mais en attendant ce changement, il invite tous les cinéastes, cinéphiles, comédiens et distributeurs à se surpasser davantage pour arriver à mettre sur pied une industrie dynamique et rentable parce que créer un film demande une chaine de production solide dans laquelle chacun joue son rôle correctement.
Par Romy Jean François
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