Port-au-Prince, le 31 décembre 2023._ En guise de bilan, la rédaction du Groupe Média MAGHAITI a préféré produire un éditorial qui retrace les grandes opportunités que le peuple haïtien a raté pour l’année écoulée, quelques grands événements socio-politiques qui ont marqué le pays et des pertes en vies humaines qui ont déboussolé le pays.
Pour commencer, nous saluons le départ de la très regrettée journaliste senior et directrice de programmation de la radio Kiskeya Liliane Pierre Paul, survenu le lundi 31 juillet 2023 suite à une crise cardiaque. Vedette du fameux “Jounal 4è“, grand défenseur des droits humains, Liliane Pierre Paul est le symbole de la lutte pour la liberté de la presse en Haïti. Elle est partie à l’âge de 70 ans. Avec plusieurs décennies dans le secteur médiatique, Liliane a traversé plusieurs générations. De sa voix unique, elle a dédié toute sa vie à la presse haïtienne. Le départ de cette icône laisse un vide dans la société qu’on ne saurait comblé.
L’année 2023 a mal débuté avec l’assassinat de sept (7) policiers en fonction dans une attaque armée par des bandits notoires dans la zone de Savien (département de l’Artibonite), le 25 janvier. Les assaillants ont posté la vidéo de leur crime sur les réseaux sociaux, exposant les cadavres des victimes et des équipements de la Police Nationale d’Haïti saisis durant l’attaque.
Pour seulement le mois de janvier, 15 policiers ont été assassinés à travers tout le pays, parmi lesquels 7 ont été recensés dans l’attaque de Liancourt (Artibonite) et 3 autres dans une autre attaque menée par le gang “Kraze baryè” de Vitelhomme à Pétion Ville. Le bilan du Syndicat National des Policiers Haïtiens (SYNAPOHA) pour la période en cours est plus que tragique; l’institution a recensé 37 policiers tombés sous les balles assassines des gangs armés, du 10 janvier au 19 décembre 2023. Malgré ce constat funeste, le gouvernement de facto n’a pris aucune mesure concrète pour protéger les policiers qui travaillent avec les faibles moyens mis à leur disposition. Des centaines de membres de la PNH ont préféré déserter l’institution policière pour sauver leur peau sachant qu’elle est tout simplement politisée et infiltrée par des gangs.
L’année 2023 a été aussi une période de lutte contre le banditisme, avec le mouvement “Bwa Kale”, qui consiste à exécuter et à brûler des bandits notoires. Ce mouvement désespéré qui reflète le ras-le-bol de population, a débuté dans la zone de Canape vert (Port-au-Prince) lorsque la police et la population ont intercepté un autobus rempli d’hommes armés qui faisaient partie du gang de Ti Makak opérant à Laboule (commune de Pétion Ville), le 24 avril 2023. Tous les occupants de l’autobus ont été exécutés et brûlés non loin du commissariat par la population. Le reste du pays a suivi la vague de ce mouvement dont le bilan s’élève à plusieurs centaines de victimes dans le camp des bourreaux.
2023 marque aussi le plus grand mouvement de fuite des cerveaux que le pays n’avait jamais connu au 21e siècle. À défaut de trouver une solution au chaos qu’ils ont cautionné en Haïti par la vente d’armes de guerre et de minutions, les États-Unis ont inclus les Haïtiens dans un programme humanitaire baptisé parole le 6 janvier dernier. Depuis, plus de 85,000 Haïtiens ont déjà atterri sur le sol américain grâce à ce programme qui reçoit 30 000 bénéficiaires (haïtiens, cubains, vénézuéliens et nicaraguayens) par mois pendant deux (2) ans. Ce faisant, le pays pers plusieurs milliers de jeunes intellectuels et professionnels qui représentaient l’avenir du pays. Sans oublier des milliers d’autres qui ont emprunté la voie illégale en passant par le Nicaragua pour atteindre le Mexique. Le pays subit ces pertes de plein fouet. Nos institutions sont à genoux par manque de professionnels ; ce qui ouvre aussi la voie à d’autres jeunes qui croupissaient dans le chômage.
Mère nature n’a pas non plus épargné Haïti Durant l’année 2023. En effet, le pays a été frappé de plein fouet par des intempéries le vendredi 23 juin 2023 qui ont fait une cinquantaine de morts, une centaine de blessés, des milliers de sinistrés (39 458), 31 591 maisons inondées et 2 445 autres endommagées ou détruites.
2023 a été aussi l’année de plusieurs massacres dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Avant l’accord de paix entre G9 et G-Pèp, les groupes armés de Barbecue et de Ti Kempes étaient impliqués dans de nombreux affrontements au centre-ville de Port-au-Prince, faisant des dizaines de victimes. La zone étant impénétrable pour les autorités et les institutions de défense des droits humains, aucun bilan n’est disponible concernant ces affrontements meurtriers. Même cas de figure pour les batailles dans la plaine du cul-de-sac, ou encore l’assaut à Carrefour Feuilles par le gang de Grand Ravine. Mais le plus grand massacre a eu lieu suite à l’attaque planifiée par Pasteur Marco et ses fidèles sur le gang de Titanyen, qui a fait des dizaines de morts du côté des chrétiens. Sur Internet, des vidéos à travers lesquelles on voyait des fidèles brûlés vifs par les hommes armés étaient virales.
Le secteur culturel a finalement compris que les artistes ne sont pas épargnés par le phénomène de l’insécurité en Haïti. Des figures publiques telles que Sexy L’artiste, Asap et H Taliban ont payé de leur vie cette erreur de jugement. Ils ont tous été exécutés par des groupes armés dans des conditions qui restent encore mystérieuses.
Sur le plan politique, c’est toujours le même refrain. Après le coup d’État qui a provoqué la mort de Jovenel Moise, Ariel Henry joue toujours les rôles de président, de premier ministre et chef du CSPN. Tous les robinets de la corruption restent ouverts pour arroser les politiciens véreux et les bandes armées pour maintenir la population dans la peur et l’isolation. L’occident a sanctionné quelques suspects tels que Michel Joseph Martelly, Jocelerme Privert, Laurent Salvador Lamorthe, Jean Henry Céant, Joseph Lambert, Youri Latortue, Garry Bodeau, Victor Profane, Gracia Delva, Arnel Bélizaire, Antonio Chéramy, Asad Volcy… quelques commerçants et chefs de gang. Ces sanctions ne changent rien à la situation du pays et l’international continue de supporter le premier ministre de facto qui est dans sa zone de confort.
Le Kenya qui voulait prendre la tête de la force armée qui aura pour objectif de combattre l’insécurité en Haïti, ne fait qu’exiger plus d’argent pour mettre ses troupes à notre disposition. Pendant que le Canada continue de nous vendre des boîtes en carton pour des blindés, la PNH est toujours en difficulté à cause de l’embargo mis par les Américains sur les armes et les minutions. Les gangs armés eux reçoivent en toute tranquillité des équipements (Made in USA) par voie maritime, dans des conteneurs ou par voie terrestre sur la frontière haitiano-dominicaine.
2023 a été une année très profitable pour les gangs armés qui sont focalisés depuis quelque temps dans le commerce de la drogue et le trafic d’être humain et d’organe. L’insécurité en Haïti est maintenant sponsorisée par de grands barrons colombiens et mexicains, qui profitent du chaos pour faire passer leurs marchandises en toute quiétude dans les zones de non-droit.
Notre seule fierté cette année a été la construction à Ouanaminthe du canal sur la rivière massacre, qui a pour objectif d’arroser plus de 3000 hectare de terre. Malgré toutes les formes de pression exercée par le gouvernement dominicain, le peuple haïtien a résisté et jusqu’à présent les travaux avancent à grands pas. C’est la première fois depuis la chute des Duvalier que le peuple haïtien s’est entendu à presque 100% sur un dossier. Kanal la p ap kanpe!
Nous espérons que 2024 sera une année de paix et de réussite pour le peuple haïtien, qui espère et rêve d’une vie meilleure depuis près de 220 ans. C’est le moment pour l’équipe de MagHaiti de prendre un peu de recul et de recalculer ses stratégies. Après 11 ans de combat acharné contre la corruption et les inégalités sociales, nous avons décidé de prendre une pause. Nous devons avant tout protéger nos membres et assurer notre survie comme institution dans de bonnes conditions.
Bonne et heureuse année 2024, bon combat!
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