Une déclaration est classiquement une affirmation, un discours, une position prise par rapport à une situation, une réalité. Celle-ci peut être favorable ou défavorable face à une autre position ; avantageuse ou désavantageuse pour une tendance politique, économique ou religieuse.
Elle peut être aussi une production écrite ou une production orale suivant le type de société en question et selon la volonté du locuteur. Les recherches réalisées en Histoire nous apprennent que notre monde a connu des sociétés sans écritures à un stade de l’évolution de l’humanité. Donc, à cette époque, l’adage « les paroles s’en vont, les écritures restent » que nous utilisons aujourd’hui ne pouvait bien évidemment pas être effectif. C’était justement le règne de l’oralité.
En effet, comme nous l’avons dit ci-dessus, toute déclaration à un ou plusieurs destinateurs c’est-à-dire elle est destinée à un ou plusieurs personnes qui pourraient êtres soient des personnes morales, soient des personnes physiques en vue de tel ou tel effet.
Nous pouvons prendre à titre d’exemple la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), elle a été rédigée dans un contexte particulier, en vue d’un travail spécifique. En guise de précision, et puisque notre champs d’investigation est la DUDH, texte adopté en 1948 qui selon plus d’un, est l’une des plus grandes œuvres juridiques du 20eme siècle ; dans le cadre de ce travail, notre préoccupation sera l’émetteur de cette philosophie politique, à savoir l’Organisation des Nations Unies (ONU) afin d’arriver à comprendre la portée de cette déclaration, l’idée qui est derrière et son impact sur notre quotidien.
En fait, nous sommes parmi ceux qui croient qu’un discours, qu’une déclaration politique ou juridique est loin d’être l’expression de l’impartialité, de l’objectivité, du désintéressement de celui ou ceux qui en est à l’origine. C’est pour cette raison, nous devons psychanalyser la personne qui est à la base d’une déclaration c’est-à-dire étudier son comportement, sa personnalité pour arriver à comprendre ce qui est derrière : son âge, son sexe, son niveau d’étude, son statut matrimonial et son environnement social, familial, politique, économique est à prendre en compte également pour ne pas être taxé de « psychologisme » puisque l’homme est à la fois un être psychique et social.
Ainsi, de la même manière, nous allons procéder par une approche généalogique en vue d’arriver à saisir le sens, l’essence et la portée de la DUDH c’est-à-dire analyser son contexte d’élaboration, son objectif et surtout son efficacité.
L’idée d’adoption d’un texte juridique à caractère universaliste est très ancienne, elle a été théorisée dès le 18eme siècle par le philosophe allemand, Emmanuel Kant, dans son texte « L’Idée d’une paix perpétuelle ». Mais pourquoi avons-nous besoin d’adopter un droit international, c’est-a-dire un ensemble de principes juridiques en vue de réglementer les rapports entre les Etats et du coup garantir la protection des droits humains dans le monde entier?
En considérant la diversité culturelle qui caractérise la vie des peuples du monde entier, passé différent, religion et croyance antagoniques, aspirations contraires, un tel projet est elle atteignable ? Matérialisable ? Réalisable ? Une telle initiative n’est-elle pas une utopie ?
En effet, nous pouvons dire que l’idée d’adoption d’un texte juridique a caractère universel se situe dans la même démarche, la même perspective, dans la même lignée des différents travaux réalisés par les philosophes du contrat social : Locke, Hobbes, Rousseau, Rawls pour ne citer qu’eux. Elle poursuit le même objectif : résoudre le problème du vivre ensemble. Après avoir résolu le problème du vivre ensemble au sein d’une communauté d’hommes, l’anarchie qui existait entre les Etats était devenue une énigme pour les théoriciens.
Autrement dit, après avoir solutionné le problème de la guerre de tous contre tous par l’institutionnalisation de l’Etat qui est le garant de la sécurité et de la bonne marche d’une société ; du coup, il est nécessaire d’arriver à l’élimination des guerres sanglantes entre des Etats rivaux pour des raisons : politiques, économiques, territoriales, maritimes, etc. Car, il n’y aura pas bien évidement aucune paix durable à l’intérieur de l’Etat, si on n’arrive pas à résoudre le problème de l’agression extérieure.
Donc c’est dans une telle perspective, après la première guerre mondiale (1915-1918), l’échec de la Sociétés Des Nations (SDN), la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), la mise en œuvre de l’Organisation des Nations Unies(ONU) en 1945, la DUDH a été adopté le 10 décembre 1948 par l’initiative des pays vainqueurs de la seconde guerre. Apres son élaboration et son adoption, on espérait que tous les problèmes du monde allaient être résolus de manière progressive. Pour les occidentaux, cette déclaration serait une panacée. Elle avait pour finalité la résolution des problèmes du monde entier dans plusieurs domaines : environnement, éducation, santé, nourriture, sécurité, justice, etc. Mais après 71 ans d’existence, où sommes-nous en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme dans le monde ? En adoptant ce texte, l’ONU a-t-elle voulu réellement garantir les droits de l’Homme ou a-t-elle voulu de manière tacite imposer la vision du monde des grandes puissances de l’occident chrétien au reste du monde ? La DUDH est-elle un discours, un texte qui a la capacité de créer une réalité instantanée comme lorsqu’un officier ministériel assermenté déclare deux personnes être unis par le lien du mariage ? Ou a-t-elle besoin de ressources financières, humaines et matérielles pour être effective ? Comment garantir le droit à l’éducation, le droit à la nourriture, le droit au logement décent des membres de la population pauvre dans un Etat a faible croissance comme Haïti qui connait des catastrophes naturelles et des crises politiques régulières et qui n’a pas les moyens nécessaires pour y arriver ?
Les études réalisées par plusieurs chercheurs des sciences humaines et sociales montrent qu’après 71 ans de la rédaction et de l’adoption de la Déclaration universelle des Droits Humains, il y a un abime de différence entre ce qui a été prévu et ce qui est. Des pays développés tels que la Russie, les USA, la Chine, la France sont devenus beaucoup plus riches. Ils investissent des sommes faramineuses dans des industries d’armement pendant que dans certains pays d’Afrique, de la Caraïbe les gens sont dans l’impossibilité de trouver de l’eau potable. Ils investissent dans le nucléaire pendant que d’autres pataugent dans la famine et n’ont pas d’accès ni à des soins de santé ni à une éducation de qualité comme c’est le cas pour des pays comme la Finlande, la Norvège, la Suisse pour ne citer que ceux-là.
De ce fait, nous devons normalement questionner la conception de l’Homme des occidentaux suite à ce constat.
L’Histoire nous apprend pendant longtemps après l’adoption de la Déclaration Droit des Droits de l’Homme et du Citoyen(DDHC) en 1789, il y avait encore dans la Caraïbe, en Amérique et en Afrique des colonies françaises. Les colons continuaient l’exploitation, la domination, la chosification et l’aliénation de plusieurs milliers de captifs ; ils ont nié l’humanité de ces derniers puisqu’ils considéraient cette catégorie corvéable, exploitable et jetable non pas comme des hommes mais comme des bêtes de somme, ces individus n’avaient presqu’aucun droit. Ils etaient purement et simplement des biens meubles, des moyens que l’on pouvait utiliser pour satisfaire uniquement l’avidité des colons.
Par conséquent, l’ineffectivité des droits de l’Homme dans certains pays pour ne pas dire dans la majorité des pays de notre hémisphère doit nous conduit à poser certaines questions : qu’entendait-on par Homme en adoptant la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 1948 ? En quoi celle-ci est elle universelle ? Peut-on avoir un particulier qui est à la fois un général, un régional qui est à la fois universel ? Est-ce que les gens qui vivent a Haïti, au Somalie, au Soudan du sud, au Mali, au Bengladesh, en Ethiopie qui végètent dans la misère la plus noire et la plus abjecte sont également des hommes qui ont une dignité et qui méritent d’êtres respectés ? Ou sont-ils considérés comme une catégorie particulière ?
Nous avons l’impression que nous sommes par devant une déclaration constative visant à imposer aux pays sous-développés la vision du monde des grandes puissances de l’occident en général, et des Etats-Unis en particulier à savoir la consécration du libéralisme politique et du libéralisme économique, la libre circulation des marchandises et l’élimination ou la réduction des tarifs douaniers dans tous les pays du monde. Ces puissances à travers l’Organisation des Nations Unies, organe qui est à leur disposition, font de la promotion pour les droits civils et politiques. Ces derniers ont une importance cardinale pour eux. Ils exigent à ce que les élections soient organisées régulièrement dans tous les pays membres de l’ONU et qui ont adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Un président doit terminer son mandat même quand il est incompétent, corrompu, contesté, rejeté par ces concitoyens et surtout lorsque ce chef d’Etat est dans leur intérêt. Par contre, un président pourrait bénéficier d’une grande légitimité aux yeux de leurs concitoyens, s’il se démarque de l’idéologie d’un pays comme les Etats-Unis et de l’intérêt des grandes multinationales il est persécuté systématiquement et on fait tout ce qui est possible afin de le chasser le plus rapide que possible sous prétexte que les droits de l’Homme sont bafoués, violés dans son pays .L’ONU n’a rien à dire même quand les grands sont entrain de manger les petits. Mais, paradoxalement on parle de la démocratie et on fait de la promotion pour les droits humains.
Il y a un autre aspect fondamental à souligner à souligner dans le cadre de ce raisonnement. Nous savons très pertinemment que l’Organisation des Nations Unie a été créée, et la Déclaration des Droits de l’Homme a été élaborée et adoptée pour une seule même cause : assurer la paix et la sécurité et la promotion des droits de l’homme dans le monde entier. Pour y parvenir a cet objectif l’Organisation des Nations Unies a mis en place un ensemble d’institutions au fur et mesure, progressivement comme : FAO travaillant dans le domaine de l’agriculture ; Unesco pour l’éducation, la science et la culture ; Unicef évoluant dans le domaine de l’enfant et FMI évoluant dans le domaine de l’économie et des finances. Parlons de ce dernier. Le Fond Monétaire International a été mis en place afin d’aider les pays en voie de développement et les pays sous-développés surtout a résoudre certains problèmes économiques selon ce que nous lisons dans sa chartre constitutive. Ces Etats pourraient recevoir des prêts très élevés, mais un Etat qui aimerait effectuer un prêt doit nécessairement, inévitablement respecter certains critères, certains principes assez stricts. Il doit normalement libéraliser son économie. Pour être éligible, il doit cesser de financer le secteur de l’électricité, le secteur de l’eau portable, son système éducatif, son système sanitaire pour ne citer qu’eux.
Mais, rappelons que le Fond Monétaire International est une entité de l’Organisation des Nations Unies, institution chargée de faire de la promotion des droits humains et qui a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Donc, dans cette optique que nous trouvons paradoxal l’Etat n’a pas invertir dans l’éducation, dans la santé, dans de l’eau potable, dans l’électricité ; il doit purement et simplement encourager l’initiative privée. Il doit cesser d’être un Etat providence, c’est-a-dire un Etat qui garantit tous les droits aux citoyens pour devenir un Etat libéral assurant seulement des fonctions régaliennes : justice, sécurité de son territoire et la diplomatie. Les travaux réalisés par des chercheurs dans le domaine des sciences humaines et sociales révèlent les conséquences désastreuses de cette politique sur la vie des individus.
Maintenant, une question mérite d’être posée : dans un programme économique de ce genre, disons dans une économie libérale caractérisée par la concurrence effrénée, exagérée et le profit l’effectivité des droits de l’homme n’est-elle pas une utopie ? A notre humble avis, nous sommes en face, dans le cas de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, d’une donation-récupérante ou d’une consécration-désappropriante. On vous donne une chose par la main gauche ; on la prend automatiquement par la main droite. On vous dit que vous avez des droits pendant qu’on ne met pas en place les ressources matérielles, humaines et financières pour que vous puissiez arriver à la jouissance de ces droits. C’est ce que nous sommes entrain de constater actuellement dans le domaine des droits humains, il y a un écart, une différence étanche entre ce qui devrait être (solen) et ce qui est (sen), entre le droit et le fait.
Nous pouvons prendre quelques exemples pour rendre beaucoup plus intelligible, plus compréhensible ce que nous venons de dire. La Déclaration des Droits Humains consacre le droit de la circulation des individus. Autrement dit, vous avez le droit de circuler librement. Nous pouvons nous demander comment un tel droit peut être effectif quand tous les gens n’ont pas les moyens nécessaires pour se procurer d’un visa. En plus, dans certains pays du continent africain, de l’Asie, de la Caraïbe et de l’Amérique latine les routes sont délabrées et les moyens de transport sont peu accessibles et en mauvaises états. Il en est de même dans le domaine des droits politiques. La Déclaration vous dit normalement que vous avez le droit de vote dans votre pays. Vous pouvez aller aux urnes pour choisir un candidat aux moments de l’organisation des élections. Dans ce cas, on pourrait bien évidemment déceler plusieurs problèmes. D’abord, on a déjà choisi les candidats qui sont éligibles pour vous a travers une présélection. On fait un triage en fonction d’un ensemble de critères, souvent étrangers à votre volonté et votre aspiration. Ensuite, dans certains pays de la planète le taux de l’analphabétisme est au zénith, c’est-a-dire a point culminant. Beaucoup de gens ne savent ni lire ni écrire ni calculer. Ceux et celles qui ont la chance et l’opportunité de fréquenter un établissement scolaire reçoivent une éducation au rabais qui n’est pas de qualité. Comme conséquence, aux moments des élections les citoyens ne sont pas en mesure vraiment, disons n’ont pas la capacité requise pour évaluer les différents projets de sociétés proposés par les candidats. Ils sont très manipulables. Mais, le droit de vote c’est un droit l’Homme.
Enfin, il y a un autre problème considérable à souligner. Celui-ci est un épiphénomène des élections organisées dans des pays sous-développés. Aujourd’hui, nous pensons que nul n’est sans savoir que les puissances de l’occident chrétien (Etats-Unis, Angleterre, Canada, la France…) exercent une influence considérable sur les pays périphériques. Elles veulent être les gendarmes du monde. Cette influence se manifeste le plus souvent aux moments des élections. Puisque, ce sont eux qui financent l’organisation des compétitions électorales, en vertu du principe qui finance commande, parfois et même très souvent, un candidat même populaire peut avoir beaucoup de difficulté pour accéder a la magistrature suprême d’un pays en dehors de leurs volontés. Par exemple, dans un pays comme Haïti on pourrait se demander combien de présidents qui sont accédés au pouvoir de 1987 à nos jours sans l’autorisation tacite ou expresse des américains. Dans tous ces cas, l’Organisation des Nations Unies et sa Déclaration des Droits Humains restent muettes. Maintenant, comment pouvons-nous parler du respect des droits lorsque le principe de souveraineté et de l’auto-détermination des peuples qui est une condition nécessaire n’est pas garantit ?
En somme, après tout ce que nous venons de dire on peut comprendre très facilement qu’il y a beaucoup de chose à faire pour arriver a une réelle application de la Déclaration Universelle des Droits Humains pour qu’elle ne soit plus un mythe mais une véritable réalité ; pour qu’elle ne soit plus bien évidemment un texte sans aucun impact dans la réalité. Celle-ci n’est pas essentiellement mauvaise, de mon point de vue. Et nous pensons qu’il serait absurde de la considérer comme telle. Pour nous, elle est une philosophie politique novatrice, libératrice et très émancipatrice. Elle consacre le respect et la dignité de la personne humaine. Elle charrie une très grande vision du monde. Nous ne voulons pas exagérer, notre planète serait meilleur si on l’avait appliquée réellement. Nous pouvons nous demander comment serait notre monde si tous les gens avaient accès a une éducation de qualité, a la nourriture, a la santé, a l’eau potable, a l’électricité, a un environnement viable et vivable, a la sécurité, a la liberté d’expression pour ne citer qu’eux. Nous estimons qu’il serait un très beau monde. Il n y aurait pas toutes ces souffrances et ces peurs : maladie, conflit, violence.
Pour parvenir a sa réalisation, nous pensons normalement qu’on doit travailler pour arriver a l’élimination de toutes ces dichotomie dans le monde pour que la déclaration des droits humains soit effectivement, réellement universelle : riche/pauvre ; nord/sud ; développé/sous-développé. On doit justement arriver à une distribution équitable des richesses de la planète.
SAINTYL Shelton, étudiant en philosophie, à l’Ecole Normale Supérieure, Université d’Etat d’Haïti. ENS/UEH
Bibliographie
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948
Le lexique des termes juridiques, Paris, Edition Dalloz.
Muglioni, Jean-Michel, Apprendre à philosopher avec Kant, Paris, Ellipses.
Attallah, Paul, THEORIE DE LA COMMMUNICATION, Canada, Sainte –Roy.
Bertrand Badie, Un monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et responsabilité, Pari, Fayard.
George Burdeau, l’Etat, Paris, Seuil.