Même si la production cinématographique haïtienne existe depuis plusieurs années, il a fallu attendre jusqu’en 2016 pour qu’un film haïtien réalisé par un Haïtien (dans ce cas précis, c’était une haïtienne) tourné en majeur partie en Haïti soit sélectionné aux Oscars.
À cette époque Guetty Felin n’avait pas eu la publicité nécessaire comme l’a en ce moment Généus pour permettre à son film Ayiti mon amour, premier film haïtien sélectionné au festival international de Toronto de faire partie de la shortlist de neuf qui allait concourir officiellement pour l’oscar du meilleur film étranger en 2017.
Tandis que nous sommes au jour J de l’annonce de la shortlist de 2022, la rédaction de Mag Haiti décide de revenir sur ce film méconnu en Haiti, mais très apprécié par la critique nord-américaine.
Un film sublime
Ayiti mon amour est un film haïtien fantastique qui mélange le réel et l’irréel. C’est une histoire d’amour à la révolution de 1804, c’est aussi une histoire d’amour à la mer, un message écologique.
Dans le film, un adolescent découvre qu’il a un super pouvoir, un vieux pêcheur cherche un remède en mer pour sa femme malade et un personnage tente d’échapper à une histoire écrite par son auteur. C’est une autre façon de raconter l’histoire des Haïtiens qui vivra tout près de la mer, une façon de dire que leur histoire compte, qu’ils ne sont pas des laissés pour compte.
Ayiti mon amour, c’est une histoire de réalisme magique qui se déroule en Haïti, cinq ans après le tremblement de terre cataclysmique qui à fait des centaines de milliers de morts et qui a détruit le pays qui peine encore à se relever plus de douze ans après.
Ayiti mon amour est une ode au surréalisme haïtien, un genre pas très exploité dans le cinéma de ce pays qui côtoie le septième art depuis tantôt un siècle.
“Ayiti Mon Amour” Ce n’est pas un film ordinaire. Magnifiquement tourné dans le hameau des pêcheurs de Kabic, le conte magique de la réalisatrice Guetty Felin sur Haïti post-tremblement de terre se déroule délicatement, un poème d’amour allégorique à sa patrie.
Produite par Mira Nair, cette version de l’année 2017 était en effet la première candidature d’Haïti à l’Oscar des langues étrangères, et oui le premier film à représenter Haïti aux Oscars est réalisé par une femme (tout comme le deuxième d’ailleurs comme nous le savons tous).
Dans son scénario, Felin raconte trois histoires qui se chevauchent avec la même habileté. L’adolescent Orphée (Joakim Cohen) sait qu’il est différent, et il découvre bientôt une superpuissance remarquable et littéralement choquante qui pourrait mettre fin à son aliénation. Dans le deuxième conte, un vieux pêcheur Jaurès (Jaurès Andris) se tourne vers la mer pour soigner la maladie de sa femme Odessa (Judith Jeudy). Elle est son monde entier, donc les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. Et enfin, en un clin d’œil à Borges, peut-être, un écrivain paresseux (James Noel) apprend toutes les conséquences de sa torpeur littéraire alors que son personnage principal et muse Ama (Anisia Uzeyman) décident de s’échapper physiquement du livre lui-même. Le film s’ouvre sur une citation du poème en français d’Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, qui était un appel aux armes littéraire pour que sa Martinique natale se débarrasse des cicatrices psychologiques de la domination coloniale.
Pour Felin, basé aux États-Unis, le film est également un retour, un regard poignant sur un pays ravi non seulement par le colonialisme français, mais aussi par des dictateurs nés comme Papa Doc Duvalier et son fils qui ont détruit le pays en le privant du peu d’argent qui lui restait, ainsi que par le tremblement de terre dévastateur de 2010. Felin suggère finalement que comme Ama Haïti peut aussi être déterminé à sortir d’un passé difficile, prêt à écrire sa propre histoire, à ses propres conditions.
C’est un film que chaque Haïtien devrait voir, car il apporte une nouvelle perspective sur le futur de notre pays.
Ayiti mon amour un film écrit, réalisé et co-produit par Guetty Felin avec Joakim Cohen, Anisia Uzeyman, Jaures Andris, Pascale Faublas, James Noel, Judith Jeudy et Simbi Duplan.
Carlens Laguerre
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