Port-au-Prince, le 9 juillet 2021. 72 heures après l’assaut spectaculaire des mercenaires dans la résidence privée de Jovenel Moïse, qui a occasionné son assassinat et une tentative d’assassinat sur sa femme, l’affaire est presque élucidée. C’est la première fois dans toute l’histoire du peuple haïtien que la police et la justice soient aussi efficaces dans une enquête.
Quelques heures après l’attentat, dans un communiqué officiel paru dans la matinée, le premier ministre par intérim sortant Claude Joseph a déclaré ”l’état de siège” sur tout le territoire national, octroyant des pouvoirs renforcés à l’Exécutif en Haïti. Il brandit l’article 149 de la constitution amendée, qui confie les rênes du pays au Premier Ministre à travers plusieurs cas de figure.
48 heures après cette attaque terroriste, au cours de la journée, la cheffe du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), Helen La lime, a déclaré aux journalistes de New York que le Premier Ministre dirige désormais le gouvernement, conformément à la constitution du pays en cas de décès d’un président en exercice. Claude envahit l’espace médiatique, multiplie des contacts dans l’international, donne des conférences de presse pour s’imposer. Un geste qui est contraire à la dernière volonté du Président de facto, qui avait remercié Claude Joseph, en nommant Ariel Henry comme nouveau Premier Ministre, pour former un nouveau gouvernement de consensus.
Toujours dans la tranche de 48 heures après le drame, le Premier Ministre sortant Claude Joseph a présenté à la nation en conférence de presse, 17 mercenaires dont 15 colombiens et 2 haïtiens inculpés dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse. Selon le Directeur Général a.i de la PNH, les assaillants étaient au nombre de 28 et 8 autres seraient en cavale.
Le juge de paix Carl Henry Destin qui a fait le constat légal dans la maison de l’ex-président, a confié au journaliste Valéry Numa qu’il a été appelé sur place vers les 6h du matin mais qu’il a été retenu sur la route de Pétion-Ville par des patrouilles de la police qui ont bloqué tout le monde systématiquement. Arrivé sur la scène vers les 10h AM, le fonctionnaire public n’a vu aucun agent de sécurité de la garde présidentielle. Le juge de paix a constaté beaucoup de douilles et de bombes lacrymogènes aux alentours de la cour de la maison de Jovenel. Le serveur des caméras de surveillance a été emporté. Aucune trace de sang sur la cour, aucune arme à feu abandonnée, aucun agent de sécurité du président n’a été abattu ou blessé. Seulement Jovenel Moïse et sa femme ont été victimes dans cette attaque.
Des révélations surprenantes
Un conseiller de Jovenel Moïse qui intervenait à l’émission de Valery Numa ce matin a déclaré que un ministre du gouvernement et lui étaient en appel conférence avec le Président à 12h 57 minutes du matin, soit quelques minutes avant le drame.
Jean Laguel Civil, qui est le coordonnateur de la sécurité de la famille présidentielle, a confié au juge de paix qu’il a reçu un appel téléphonique de la part de Jovenel Moïse aux environs de 1h AM, qui l’a alerté de l’attaque, qui lui a tout de suite alerté Dimitri Hérard, responsable de l’USGPN. Jean Laguel Civil qui dit habiter à Thomassin, s’est tout de suite dirigé vers la maison présidentielle à Pèlerin 5 pour lui porter secours, et a reçu un appel d’une personne qui l’a confiée que les assaillants sont déjà partis et se dirigent vers Pèlerin 2. Il a alors évité la maison du VIP à la poursuite des bandits, qui affrontaient des agents de la PNH dans cette zone. Le coordonnateur a alors abandonné sa poursuite pour se rendre sur la scène du crime et arrive vers les 5h ou 6h AM. Donc, il s’est déplacé à 1h du matin, dans ses démarches il a passé environ 4 à 5 heures avant d’arriver dans les locaux du VIP qui était en détresse ?
Selon un autre juge de paix qui a fait un autre constat après l’affrontement entre les policiers et les assaillants, il a constaté le corps sans vie de deux présumés mercenaires à la rue Pinchinat à Pétion-Ville, des armes, des munitions, une vingtaine de sacs à dos remplis d’équipements et des matériels comme des chéquiers sur le nom de Jovenel ou Martine Moise, de l’argent en devise locale et dollars, un serveur des caméras de surveillance.
Hier, le Ministre de la défense colombienne, Diego Andrès Molano a confirmé que les mercenaires appréhendés dans le cadre de l’assassinat de Jovenel Moïse sont effectivement des colombiens qui sont des retraités de l’armée colombienne. L’Ambassade de la République de Chine (Taïwan) en Haïti a aussi confirmé qu’il avait donné son accord sans désemparer à la police haïtienne et l’a autorisée à mener une opération de perquisition afin de lancer une intervention vers 16 heures, ce qui a conduit a l’arrestation de 11 suspects.
Selon le juge Clément Noel qui prenait la déclaration des deux haitiano-américains qui ont été capturés parmi les mercenaires, ils étaient les traducteurs du commando. James Solages était en mission depuis 1 mois et Joseph Vincent depuis 6 mois. Selon la déclaration de Mr Solages, la mission était de procéder à l’arrestation de Jovenel Moïse et non de le tuer.
Les questions que nous devons nous poser maintenant : comment se fait-il que des ex-militaires bien entraînés qui préparent ce plan minutieux depuis des mois n’ont pas pu élaborer un plan d’évacuation très précis ? Pourquoi toutes ces failles au niveau de la sécurité de la maison du Président ? A qui profite la mort de Jovenel Moïse ? Qui a employé les mercenaires ?
Entre-temps, le premier ministre de facto Claude Joseph déclare que tout est sous contrôle dans le pays. Quelques heures après sa déclaration d’État de siège, il a ordonné la réouverture de l’Aéroport International Toussaint Louverture et les institutions publiques.
Comme l’a si bien dit Jean-Marie Théodat, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne : « Lorsqu’un chef d’État est mort dans de telles conditions et que celui qui prend le relais nous dit que la situation est sous contrôle, ça ressemble à un coup d’État ».
Tous droits réservés – Groupe Média MAGHAITI 2021