L’Atelier Sol Scène (ASS) a organisé le mardi 9 octobre 2018, une conférence-Débat pour plus d’une centaine d’écoliers à l’auditorium du Lycée Alexandre Pétion. « Comment et pourquoi parler du massacre de 1937 aux jeunes ? » tel est le thème abordé au cours de cette intervention de Michèle Duvivier Pierre-Louis. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un laboratoire de recherche artistique baptisé « TransdO » initié par l’ASS soutenu par la Fondasyon Konesans ak Libète (FOKAL).
Fondée en 2015 et dirigée par le chanteur et metteur en scène Daphné Ménard, l’Atelier Sol Scène est une cellule de recherche et d’expérimentation artistique basée sur le corps et ses différents médiums d’expression. Après « Le palais des chants ou les cantiques de l’improvisation » , « Omayra, le chœur des abysses » survient «TransdO » qui se veut un travail de mémoire . « C’est avant tout un projet de rencontre et de questionnement. Une tentative d’oser parler de ce qui dérange pour susciter et engager l’écoute des deux côtés de l’île en commençant avec des artistes racontant la même histoire dans les deux langues » a indiqué le directeur artistique Daphné Ménard.
Pour ce travail expérimental autour du terrible massacre d’haïtiens perpétré en Octobre 1937, les activités ne manquent pas: rencontres à Ouanaminthe, recueil de témoignages des rescapés et un laboratoire de travail articulant recherche artistique, projection et exposition photo de Pierre Michel Jean. « Cette étape haïtienne du travail a commencé le 24 septembre. Elle sera couronnée d’une restitution publique le Samedi 13 octobre à 5h PM au Centre d’art. L’étape dominicaine est pour l’année prochaine » a fait savoir l’auteur et metteur en scène de MAFI.
En effet, économiste, professeure d’université, Michèle Duvivier Pierre-Louis qui a intervenu au Lycée Alexandre Pétion, a applaudi cette initiative autour de ce massacre, qui selon elle, est peu connu et non enseigné en Haïti. Elle croit qu’il a découlé d’un sentiment anti-Haitianiste dominicain qui trouve son origine dans l’annexion de la partie l’Ouest et l’Est de l’île sous la présidence de Boyer, en passant par l’arrivée des premières vagues d’Haïtiens entre 1917 et 1919 dans les plantations dominicaines sous l’occupation américaine des deux Etats. De plus, elle estime que cette tuerie entre dans une démarche de blanchiment de la race qu’avaient entreprise la Rép. Dominicaine, le Porto Rico et le Cuba dans cette période.
Hommes, Femmes et Enfants, plus de 20 000 Haïtiens ont été tués sous l’ordre du dictateur Rafaël Léonidas Trujillo Molina du 2 au 8 octobre 1937 le long de la rive dominicaine de la rivière Dajabon. Madame Pierre Louis voit un « génocide » en ce fait historique faisant l’objet de nombreuses appellations : Massacre de 1937, Massacre du persil ou Perejil, Kouto-a par les Haïtiens et El Corte « La coupe, la Moisson » par les dominicains.
L’ancienne première ministre sous la présidence de René Préval, dénonce la passivité et la légèreté des autorités haïtiennes dans la gestion des affaires diplomatiques. « Je ne comprends pas le silence complice des dirigeants haïtiens. Sténio Vincent le président d’alors a réagi sur le dossier du massacre sous la demande de l’Union Panaméricaine. Après la décision du gouvernement dominicain d’enlever la nationalité des dominicains d’origine étrangère en situation irrégulière dans ce pays en 2016, c’est la levée de la société civile, des organisations de droits humains qui a poussé les autorités haïtiennes à réagir » a regretté la femme politique qui a refusé d’occuper d’autre poste politique après celui de Premier ministre.
Pour la fondatrice et actuelle présidente de la FOKAL « La question migratoire est une question mondiale et nous devons apprendre à réfléchir sur la question de l’autre. Car dit-elle, la question de l’autre est une question politique ». Par ailleurs, elle a invité la jeunesse haïtienne à réfléchir sur le massacre pour mieux se projeter dans le futur.
En effet, l’auditorium était plein à craquer, en majeure partie, des lycéens et d’écoliers venant notamment de l’Ecole Desmesvar Délorme et du Petit Séminaire Collège Saint-Martial. Applaudissant cet acte citoyen de l’Atelier Sol Scène, ils estiment que le Massacre de 1937 devrait intégrer leur programme scolaire.
Michael FORMILUS
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