Ernst Jean Joseph surnommé “Tinès” ou “Grimaud”, est né au Cap-Haïtien, en 1948. Il a fait son ascension dans le football haïtien non sans embûches, grâce à sa persistance et à ses convictions. Il a même eu recours à de l’intimidation pour se faire une place.
Talentueux et laborieux, “Tinès” avait laissé son département et sa ville natale, le Cap-Haïtien, pour venir s’installer à Port-au-Prince avec sa famille. Et c’est le Violette Athlétique Club qui l’a adopté. Parallèlement, le joueur se fait remarquer durant les inter-scolaires avec le Collège Grégoire Eugène en compagnie d’autres Capois tels que Adilas Charles, Edouard J. Baptiste et autres. Une époque qui a coïncidé à la montée d’une floraison de talents singuliers comme : W. Nazaire, Arsène Auguste, E. Sanon, P. Bayonne, Eddy Antoine, Jean M. J. Baptiste, Ralph Kernizan, Guy Dorsainvil pour ne citer que cela.
Les débuts de Ernst Jean Joseph étaient laborieux, mais en travailleur obstiné, il avait continué à se façonner, toujours en observation des autres. “Tinès” avait eu de longs pieds rompus de longs tacles intimidants qui ont fait parler du méchant “Grimaud”. Ses courses folles à l’aile (comme latéral) font montre de singulières compétences. Ses maladresses consistent en sa dureté sur l’adversaire. Son sang froid et son panache l’avaient propulsé au devant de la scène jusqu’à se frayer une entrée dans la sélection.
Au Violette, “Tinès” devenait indispensable en tandem avec Ralph Kernizan. Quant à l’Équipe Nationale, sa rayonnance, sa technique et son autorité faisait d’elle une équipe forte et soudée. Ernst Jean Joseph avait gagné le respect des mordus du foot, en faisant luire ses prouesses au yeux de tous. Et le déclic s’est produit vers l’année 1972, lorsque en pleine campagne pour Munich 1974, les grandes équipes faisaient la navette à Port-au-Prince. C’est ainsi que se montrait dans nos murs le Chili de Carlos Catzelli et de Figueora (considéré alors comme le meilleur défenseur au monde).
Notons que “Grimaud” accompagné de Wilner Nazaire à la défense centrale de la sélection nationale composaient l’un des plus spectaculaires duos défensifs que le football ait produit; à l’instar d’un Becken-Schwarzenberg, Scirea-Collovati, Desailly-Blanc. Wilner-Ernst prenait tout le monde à contre-pied. Solidaire, complémentaire, technique, et complices comme s’ils pouvaient jouer par télépathie ou les yeux bandés. Il faut souligner que voir Wilner et Ernst jouer ensemble en défense laissait plus d’un pantois. On se disait étonné, comment un coin aussi ignoré de la terre ait produit de si valeureux footballeurs? Il est à noter que “Tinès” était un libéro extraordinaire et l’un des plus grands footballeurs de sa génération.
Entretemps, l’ascension de “Grimaud” va continuer jusqu’au pré-mondial, au cours d’un tournoi, il gagne le titre de libéro du tournoi. L’année suivante soit en 1974, en Allemagne, après un match retentissant contre l’Italie où Nazaire, Eddy Antoine et Pierre Bayonne se sont fait spectaculairement remarqués, C’est ainsi que “Tinès” était choisi comme échantillon pour être testé pour la drogue. Cependant souffrant d’une grippe, Ernst Jean Joseph avait consommé une dose d’éphédrine que son médecin lui avait donnée et était trouvé positif.
L’après Munich, Ernst Jean Joseph a continué à jouer au foot et c’est au Violette, de leader au cadre technique du VAC, il devenait un peu plus tard l’entraîneur du Violette. Revenant plus efficace pour diriger l’arrière poste du Violette; cette fois-ci en tandem avec l’increvable capois Frantzy Mathieu (le dernier des titans locaux), au sein d’une équipe qui expérimentait le semi-professionnalisme, raflant le titre cette année là à une valeureuse équipe du Victory. “Tinès” avait continué à faire montre de sa maestria; jusqu’à faire la convoitise de toutes les équipes de passage au pays. Stade de Reims, Mönchengladbach, Cosmos et autres voulant acquérir ses services. Cependant le poids du temps et des matchs commençait à peser dans la balance. Et parfois, il subissait les assauts impardonnables des dangereux attaquants: Jacquot Réserve, Gogo Masson (L’aigle Noir), et surtout des: Domingue, Fito Léandre, Pakole Toussaint (Racing), qui l’ont un peu abimé, avec son compagnon Matthieu, avec des humiliations à la clef.
Ajoutons à tout cela les nouvelles venues: Réginald Viellot, Frantzy Mathieu, Raphael Alexis pour renforcer le challenge au sein de la défense du onze national. Et par le temps pour la campagne d’Argentine-78, il devenait moins influent dans la bande à Piontek. Puisque Labissière, Mathieu, Viellot, et Jacques J. Louis (Lorsque Pelao était au state avec le Tampa Bay), constituaient la marque défensive. Et c’est encore sous la pression des décideurs d’en haut que Nazaire convalescent, Pelao qui marquait le seul but haïtien, malgré une entorse sévère (perdant de ce fait un fabuleux contrat avec le Cosmos qui n’a pas voulu qu’il participe à ce tournoi à cause de la sévérité de sa blessure), et “Grimaud” se remettant d’une diarrhée, étaient alignés. Ce qui causait la débâcle contre le Mexique et coûtait à Haïti le ticket pour l’Argentine.
L’excellent arrière central Ernst Jean Joseph est décédé à l’âge de 72 ans. L’ancien défenseur du Violette et de la sélection nationale a tiré sa révérence, soudainement, ce vendredi 14 août 2020.
Jacky M. Fontaine