En Haïti, nombreux sont les enfants qui risquent d’attraper des virus pouvant déboucher sur des maladies féco-orales. Un environnement malsain, des latrines en mauvais état, le manque d’accès à l’eau potable et la mauvaise hygiène sont, entre autres, les différents facteurs qui les rendent de plus en plus vulnérables. Parmi les maladies féco-orales très fréquentes chez les enfants, on trouve la typhoïde, la poliomyélite, les maladies diarrhéiques aiguës comme le choléra et autres.
Dave, 8 mois, est hospitalisé depuis cinq jours à l’Hôpital universitaire la Paix (HUP). Chétif, le visage délavé, un pansement au pied gauche, l’enfant dépérit. Dayana Mondésir, sa mère, lui fait sa toilette, disant ignorer les causes exactes de la maladie de son nourrisson. « Il est devenu ainsi d’un coup. Quelques jours auparavant, on avait remarqué qu’il avait de la diarrhée et de la fièvre. Comme c’est ma tante qui le gardait, elle m’a appelée pour venir la rejoindre ici. Depuis lors, je suis là avec lui », raconte la mère de Dave, 17 ans, précisant que l’enfant avait déjà été hospitalisé pour les mêmes causes.
À quelques pas de Dayana, on retrouve Genicia, t-shirt bleu frappé de l’écriteau « Pitit manman Mari pa janm pèdi batay » (les enfants de la Vierge Marie ne perdent jamais dans les combats) et visage désespéré. Assise au pied de son fils de cinq mois, elle explique qu’avec son conjoint, ils se sont empressés d’amener Junior à l’UHP jugeant son état anormal. « Il avait des vomissements de couleur jaune et des selles contenant du sang », affirme-t-elle. On se retrouve dans la salle 1 d’admission de la pédiatrie de l’Hôpital universitaire la Paix (UHP), à Delmas 33, comportant entre autres pas moins de cinq lits pour enfants.
Dayana, qui a l’habitude de se retrouver à l’hôpital avec son fils, n’avait aucune gêne pour décrire sa situation. Genicia, de son côté, exprime ses doutes, et ne comprend toujours pas comment son petit protégé est passé d’une excellente journée à un interné. Pour mieux comprendre la réalité des maladies féco-orales dans ce centre hospitalier, nous sommes partis voir les responsables.
La docteure Angemaëlle Desca, responsable du service pédiatrique de l’UHP, raconte qu’il y a des enfants qui arrivent avec des déshydratations sévères, altération de conscience, excavation, et en état de mort apparente. D’autres viennent avec déshydratation légère, c’est le cas des parents qui ont déjà commencé le processus d’hydratation. « Parfois, on reçoit des enfants dans un état très grave comme mort apparente. Pourtant, quand on questionne les parents, ils s’abstiennent de dire de quoi il s’agit vraiment. Avec le choléra, certains parents se sentent stigmatisés, ce qui fait qu’ils donnent de fausses informations par peur d’entendre que les leurs souffrent de cette maladie », avance la pédiatre, affirmant que des parents pensent même que ce n’est guère une maladie naturelle.
Quasi même son de cloche pour le Dr Jean Philippe Lerbourg, responsable médical du centre hospitalier rencontré dans ses bureaux. Avec une pile de dossiers à traiter, il explique qu’en général, les maladies féco-orales sont des maladies manuportées. C’est-à-dire que la contamination se fait par les mains en les mettant dans la bouche, mais les parasites se trouvent dans les selles, précise-t-il. Typhoïde, diarrhée, poliomyélite en font partie. Cependant, pour le moment, la plus présente en Haïti n’est autre que le choléra. « Le choléra est toujours là parce qu’il y a eu assez de cas au niveau de notre pédiatrie. Des enfants viennent avec de la diarrhée et des vomissements ».
Véritable défi pour Haïti ?
Haïti se retrouve au petit coin de l’assainissement. Les statistiques font état d’une situation catastrophique. Près de 25 % des ménages haïtiens ne possèdent aucune toilette. Dans les camps de réfugiés dans la zone métropolitaine, la situation n’est pas trop différente. Pas moins de 34 % des sites ne disposent pas de toilettes, d’après Global Protection Cluster (GPC). Dans celles qui en disposent, les toilettes sont en mauvais état. D’autre part, il y a l’accès à l’eau potable constituant un véritable luxe. « La majorité de la population n’y a pas accès », rappelle le Dr Jean Philippe Lerbourg, responsable médical de l’HUP, précisant que ces facteurs constituent une menace pour la vie de certains enfants.
Ces maladies sont tellement dangereuses que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montre que la diarrhée est la deuxième cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans et qu’elle est à l’origine de 525 mille décès d’enfants par an. Dans cette même optique, la pédiatre Angemaëlle Desca souligne qu’en cas de déshydratation, l’enfant peut mourir. Et ce n’est pas tout. « Pour les cas de diarrhées chroniques, elles peuvent déboucher sur la malnutrition », ajoute-t-elle.
Et les statistiques communiquées par l’Hôpital universitaire la Paix (HUP) prouvent la gravité de la situation dans les centres hospitaliers du pays. Au moins un enfant arrive à l’hôpital chaque jour avec les signes des maladies féco-orales. Pour le mois de février, sur 66 enfants, 32 ont souffert de troubles digestifs. Tandis que, parmi 62 cas d’admission, 32 % d’entre eux étaient des mineurs contaminés. Pour le mois de janvier, sur 62 cas reçus, 24 avaient la diarrhée et des troubles digestifs, ce qui représente un pourcentage de 39 %. En plus de ces cas, 10 enfants sur 67 autres ayant la diarrhée ont été hospitalisés.
Achille Marie Mika
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