L’humoriste Josué Pierre, plus connu sous le pseudonyme de Mr. Bool, dévoile son deuxième roman, titré Les Visages creux à Port-au-Prince. Lors d’un entretien exclusif avec Mag Haïti, celui-ci a partagé minutieusement ses souvenirs ainsi que ceux de nombreux Haïtiens. Dans ce texte, l’auteur donne voix à des visages marqués par un vécu que leurs bouches n’arrivent plus à exprimer. Il y raconte leur présent douloureux et leur avenir incertain, dans une capitale au bord de l’effondrement.
« Je suis ce que je suis, mais je ne suis pas uniquement ce que je suis. » Cette phrase, que Josué Pierre pose en ouverture, n’est pas seulement une déclaration d’identité. C’est une clef pour comprendre un homme aux multiples facettes : journaliste, comédien, dramaturge, humoriste, réalisateur, producteur et romancier.
Né à Port-au-Prince et formé à la fois en art dramatique à l’ENARTS et en génie électrique et informatique, Josué Pierre incarne un parcours unique à la croisée de la technique et de la création. Dans un contexte où la parole peine parfois à émerger, il choisit de prendre la plume.
Écrire après l’indicible
L’inspiration de ce roman vient d’un drame personnel : « En 2018, à Martissant, ma vie a basculé. J’ai été victime d’une attaque armée alors que je me trouvais dans un bus avec ma femme. » Ce moment, confie-t-il, a marqué le début d’un long cauchemar, devenu aujourd’hui celui de toute une population. « Les visages marqués par le désespoir, la peur, la résignation sont devenus ma source d’inspiration », dit-il.
Il poursuit en expliquant que, dans le contexte actuel où Port-au-Prince est ravagée par la violence, ce livre s’impose comme un cri venu de l’intérieur “Les Visages creux à Port-au-Prince” est né d’une urgence intérieure : celle de témoigner, de faire mémoire, mais surtout d’offrir, au cœur de la douleur, une lueur d’espoir », révèle-t-il.
Plus qu’un simple récit, ce livre, raconte-t-il, est une plongée dans l’intime, dans les silences lourds et les regards perdus. Il a choisi de l’écrire dans un style narratif profondément humain, afin de toucher l’émotion des lecteurs.
Une œuvre ancrée dans le réel
L’auteur insiste : « Derrière chaque visage marqué, il y a une histoire, un combat, une espérance.» Contrairement à ce que pourrait laisser penser son ton littéraire, il affirme que son roman n’est pas une fiction. Il est fondé sur des faits réels, parfois inimaginables. Chaque page est nourrie de son expérience personnelle, de récits recueillis dans les rues de la capitale, et de scènes vues, entendues ou vécues dans sa chair. C’est ainsi qu’il en a tiré cette formule, qui traverse tout l’ouvrage : « À Port-au-Prince, la chance ne sourit pas à ceux qui en ont besoin, mais à ceux qui y croient. »
Une pensée à la fois amère et lucide sur le déséquilibre cruel d’une société fracturée.
Le journaliste croit dur comme fer que son œuvre touche au plus profond l’identité haïtienne. Car, selon lui, tout Haïtien qu’il vive en Haïti ou à l’étranger peut se reconnaître à travers ce livre. En évoquant des lieux bien connus comme Fontamara, Solino, Nazon ou Martissant, l’auteur convoque une mémoire collective. Les lecteurs d’ici et d’ailleurs retrouvent des morceaux d’eux-mêmes dans ces récits de survie et de courage. C’est un miroir tendu à ceux qui ont fui, à ceux qui sont restés, à ceux qui espèrent encore. Ce roman, d’après Pierre, est un appel à la lucidité, à la résilience et à la quête de sens, même au cœur du chaos.
Le comédien nous confie que son besoin d’écrire s’est cristallisé à une date symbolique : le 1er janvier 2025. « Au lendemain des célébrations de l’indépendance, un déclic patriotique s’est déclenché en moi », raconte Josué Pierre. Il explique qu’il ne pouvait plus se taire, qu’il fallait raconter pour ne pas laisser le silence recouvrir ce qui devait être vu et entendu. Le livre n’est pas, selon lui, une œuvre de consolation, mais plutôt un devoir de vérité.
Lorsqu’on lui demande s’il cherche à raviver des douleurs que certains préfèrent oublier, il répond sans détour : « Ce sont des faits qu’on ne doit jamais oublier. Ce livre est un acte de mémoire, une parole contre l’oubli. »
À quelques jours de la sortie officielle, Josué Pierre invite chaleureusement tous les lecteurs à le retrouver le 19 juin, à l’occasion de la 31e édition de Livres en folie : « Venez nombreux retirer votre exemplaire, échanger avec moi et faire vivre ensemble cette page de notre histoire », dit-il avec enthousiasme.
Les Visages creux à Port-au-Prince, proposé au prix de 1300 gourdes, est bien plus qu’un roman, c’est un témoignage littéraire majeur sur une réalité qu’Haïti vit aujourd’hui. Un livre pour ne pas oublier, Un livre pour résister.
Pasteur Tarah Lise Gustaina
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