Port-au-Prince, le 19 novembre 2018 – Après le soulèvement populaire du 6, 7 et 8 juillet 2018 contre l’augmentation du prix du carburant sur le marché local, le président Haïtien Jovenel Moïse a reçu plusieurs autres frappes fatales dont les grandes manifestations du 17 octobre et du 18 novembre.
Le chef de l’Etat, n’a pas pu se présenter au Cap-Haïtien pour commémorer les 215ans de la Bataille de Vertières qui a abouti à l’indépendance d’Haïti en 1804. Ce, malgré les préparatifs en cours depuis des semaines. Un acte que certains qualifient de lâcheté et d’impuissance.
Aujourd’hui, le pays se lève dans une grève généralisée qui paralyse toutes les activités dans plusieurs départements. Jovenel perd le contrôle du jeu politique et n’a pas d’autre choix que d’assumer sa défaite.
Quelle issue pour le 58ème président de la première République noire au monde, qui s’est fait lâcher par ses partisans dans les moments les plus sombres?
La démission de l’ex-premier ministre Jacques Guy Lafontant n’a pas ébranlé l’aile dure de l’opposition, encore moins la nomination de Jean-Henry Céant, ancien membre du G8, qui mettait les bâtons dans les roues du Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK) lors des dernières joutes présidentielles.
Le notaire est impuissant devant cette tempête politique. Après seulement deux mois de règne, Jean-Henry Céant n’arrive toujours pas à atterrir avec son cabinet ministériel politique. Pourtant, on parle déjà de remaniement.
Après avoir hissé le drapeau noir et rouge sur la place des héros à Vertières le 10 novembre dernier, Jean Charles Moïse prend le contrôle du Nord, tout comme Henry Christophe l’avait fait après l’assassinat de Jean Jacques Dessalines, le père de la patrie.
Alors que tout le monde voyait la profanation du drapeau, l’ex-maire de Milot le voit comme une remise en question de l’existence d’autorité dans le pays. L’homme fort de Milot assume son acte avec toute sa dimension mystique que cela implique.
Tout le monde voyait la puissance du symbole tandis que l’ex-sénateur portait le coup de grâce au régime Tèt Kale 2. Le Nord peut être considéré comme une partie séparée du reste d’Haïti par cet acte.
Hier Jovenel Moïse a fait une adresse à la nation. Il a parlé pour ne rien dire, à en croire des leaders d’opinion. Une intervention peu convaincante qui n’est pas adaptée à la situation actuelle. C’est un président abattu qui s’est présenté à la population hier.
Par ailleurs, plusieurs quartiers échappent au contrôle du gouvernement, comme c’est le cas de Grand-Ravine depuis quelques temps, Savane Pistache, Pilate et La Saline, tous ravagés par une guerre entre bandes armées. Plusieurs organisations de droits humains dénoncent l’implication de ce régime dans cette situation de terreur.
Comme les anciens régimes dictatoriaux, ce gouvernement s’accroche au pouvoir et utilise la répression. En témoigne le lourd bilan des deux dernières manifestations.
Depuis la récente visite du Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti Michel-Ange Gédéon, les forces spéciales du Palais National publient des photos et vidéos de leurs nouveaux équipements sur les réseaux sociaux. Des photos des snipers embusqués font la une sur la toile.
Fort de ce constat, il semblerait que le gouvernement n’a pas d’autres choix que de démissionner puisqu’il n’a aucune option en vue. L’opposition ne veut pas de négociation et exige la démission de Jovenel Moïse comme condition sine qua non pour la tenue d’un procès Pétrocaribe équitable. «Vòlò pa konn jije vòlò», disent les leaders de l’opposition.
Concernant ce gouvernement de transition qui doit prendre les rênes du pays après le départ de Jovenel Moïse, les acteurs de l’opposition sont divisés. Certains optent pour le président de la cours de cassation, d’autres pour une structure qui va faciliter la conférence nationale, et d’autres camps ont des calendriers non définis.
En attendant, le chaos nous guette. Les gens vivent la peur au ventre.
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