Port-au-Prince, le 16 septembre 2024 ; Depuis quelques jours, les Haïtiens qui vivent dans l’Ohio aux États-Unis sont pris pour cible dans une grande campagne de haine, comme quoi les immigrants haïtiens de Springfield consomment des animaux de compagnie et des oies sauvages qui vivent dans les lacs.
À la base, une femme de 35 ans dénommée Erika Lee a entendu la rumeur de la part d’une de ses voisines qui, elle-même, l’a apprise d’une de ses connaissances. Sans vérifier la véracité de cette information, Erika Lee a partagé la rumeur sur un groupe Facebook dédié aux résidents de Springfield, et de là étant, la rumeur s’est propagée comme de la fumée sur tout le territoire national.
Le message est devenu viral en seulement quelques heures et a été exploité par le Parti républicain dans la course électorale actuelle. Dans cette vague de sensations, une infox a entrainé une autre et ce mouvement s’est vite transformé en machine de désinformation et théorie du complot. Par exemple, l’histoire de l’Américaine qui tue et essaie de manger un chat à Canton (275 km de Springfield), ou encore la photo de l’homme noir qui a emporté deux oies tuées par une voiture à Columbus (77 km de Springfield).
La rumeur a même été relayée lors du débat présidentiel entre Donald Trump et Kamala Harris le 10 septembre dernier. Trump a clairement affirmé en direct que des migrants mangeaient des chiens et des chats dans la ville de Springfield. La grande majorité des médias américains comme ABC News, NBC News, The Guardian, Newsguard, CNN ont sévèrement démenti cette rumeur par la suite grâce à leurs outils de fact-checking.
Erika Lee, la femme qui avait lancé cette rumeur sur les réseaux sociaux, s’est rétractée en avouant à NBC News qu’elle n’avait aucune idée que l’histoire faisait partie d’une rumeur et qu’elle n’avait jamais imaginé que sa publication deviendrait de la matière pour les théories du complot et la haine. JD Vance, le vice-président désigné par Donald Trump, a avoué à CNN qu’il a utilisé cette rumeur non fondée pour attirer l’attention des médias sur les souffrances du peuple américain.
Contexte électoral centré sur la théorie du complot et les préjugés raciaux
Le Parti républicain utilise actuellement tous les moyens imaginables pour déstabiliser le Parti démocrate. Ce dernier est très critiqué pour la gestion de sa politique extérieure, notamment l’implication de l’administration Biden/Harris dans les conflits Russie vs Ukraine et Israël vs le Hamas. Dans ce contexte électoral explosif, le Parti démocrate est très critiqué aussi pour sa gestion de l’économie et de l’immigration.
Joe Biden a déjà donné accès aux États-Unis à des milliers de migrants ukrainiens, vénézuéliens, cubains, salvadoriens, nicaraguayens et haïtiens, dans le cadre du programme humanitaire Parole qui vise à accueillir des réfugiés qui fuient la guerre. Ukraine et Haïti sont les deux plus grands bénéficiaires de ce programme, avec 178,000 réfugiés pour l’Ukraine (recensement février 2024) et plus de 180,000 Haïtiens ont reçu leur autorisation de voyage.
Le programme humanitaire Parole donne aux bénéficiaires la possibilité d’avoir une autorisation de travail dès leur arrivée aux États-Unis, ainsi que l’accès à la carte de Sécurité sociale. En plus, la grande majorité des migrants haïtiens bénéficient actuellement du statut de protection temporaire (TPS), une désignation accordée par le gouvernement des États-Unis qui les protège de la déportation.
Les Républicains sont en colère contre un service spécial appelé CBP One qui a été lancé pour les étrangers qui veulent traverser la frontière sud des États-Unis en passant par le Mexique à l’un des points de contrôle dans les États de l’Arizona, du Texas ou de la Californie. C’est pourquoi leurs attaques se concentrent sur la gestion de l’immigration, accusant les Démocrates de donner libre accès aux immigrants dans leur pays.
Pour gagner la bataille de l’opinion publique, les Républicains ont choisi de rediriger leurs canots sur les migrants haïtiens, en mobilisant les couches racistes de la population et les anciennes familles colonialistes qui ne veulent pas cohabiter avec les Noirs. Haïti est le symbole de liberté, la première République noire au monde, donc attaquer les Haïtiens peut être considéré comme une attaque contre les Noirs pour assoupir leurs besoins de domination.
Parallèlement, toute l’attention a été dirigée vers Donald Trump le 13 juillet dernier, quand il a été pris pour cible dans une tentative d’assassinat en Pennsylvanie. Trump a été touché à l’oreille avant d’être mis au sol puis évacué par les agents du Service Secret. Thomas Matthew Crooks, le tireur présumé de 20 ans, un jeune homme blanc de 20 ans originaire de Pennsylvanie, a été abattu, un spectateur a été tué et deux autres blessés. Cet événement a eu un tournant majeur dans la campagne électorale du représentant des Républicains.
Aussi bizarre que cela puisse paraitre, une nouvelle tentative d’assassinat présumée contre Donald Trump a été dévoilée par le Service Secret le 15 septembre. Des agents du Secret Service ont ouvert le feu après avoir vu une personne munie d’une arme à feu AK-47 près du club de golf, alors que le candidat républicain à la présidence américaine faisait une partie. Aucun blessé n’a été signalé. Selon plusieurs médias américains, l’auteur de ces coups de feu serait Ryan Wesley Routh, un Hawaïen blanc de 58 ans, fervent partisan de l’Ukraine.
Après la campagne de haine contre les Haïtiens, cette deuxième attaque présumée représente une autre opportunité majeure pour les Républicains dans cette course électorale où tous les coups sont permis.
En novembre prochain, les Haitiens d’origine n’ont pas d’autre choix que d’exercer leur droit de vote contre ces politiciens américains dans ce système de démocratie défaillant.
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