Après un parcours scolaire difficile à cause d’un handicap survenu dès son plus jeune âge, Anderla Kenny Joseph a intégré, en novembre dernier, l’École de droit et des sciences économiques de Jacmel (EDSEJ). Membre de l’OPACJ, une organisation cayes-malaise qui lutte pour le respect des droits des personnes à mobilité réduite, elle espère devenir juriste pour mieux appréhender ce combat nécessaire pour le respect des droits de chacun. Courageuse et philanthrope, Anderla est aussi la représentante de Fille à Besoins Spéciaux pour la Réforme(FBSR) dans le sud-est du pays.
«Je sais que la vie n’est pas simple et qu’il y a des embûches, mais je me prépare au quotidien à tout surmonter. Par-dessus tout, j’aime étudier, lire et écouter de la musique ainsi que les feuilletons radiophoniques. Je m’efforce de me former davantage chaque jour pour que les gens me respectent», confie-t-elle avec assurance.
Intégration et difficultés rencontrées par Anderla
Malgré les obstacles qu’elle rencontre au sein de l’école de droit, elle se sent à son aise, car les responsables ne l’ont pas discriminée. Au contraire, ils ont facilité son intégration, malgré les défis quotidiens liés à son handicap. En raison de sa mobilité réduite, le manque de matériel adapté l’empêche de s’adapter pleinement à ce nouvel environnement. Bien qu’elle n’utilise plus le braille grâce aux avancées technologiques, elle affirme haut et fort qu’un ordinateur portable pourrait l’aider à progresser dans ses études.
«Si j’avais la possibilité de recevoir un ordinateur portable, il m’aiderait lors des examens. J’utiliserais la synthèse vocale, une option présente sur tous les ordinateurs portables, pour différencier les touches, et je crois que cela faciliterait mon apprentissage», explique-t-elle avec espoir.
Une foi inébranlable et un engagement artistique
Il faut noter qu’Anderla croit fermement en Dieu. Elle est la fille d’un pasteur, M. Andrenord Joseph, qui dirige l’Église chrétienne réformée d’Haïti dans la localité de Tomari à Ti-Mouillage, une section communale des Cayes-Jacmel. Membre active de la jeunesse de cette assemblée, elle a déjà mis en scène deux pièces de théâtre visant à changer le regard porté sur les personnes en situation de handicap et à déconstruire certains discours stéréotypés, préjudiciables et discriminatoires à leur égard.
Un parcours académique marqué par le courage et la détermination
Il est important de souligner qu’Anderla n’est pas née avec cette déficience. Elle a perdu l’usage de son premier œil en 3èmeannée fondamentale, puis du second à cause d’un décollement de la rétine en 6ème année fondamentale, alors qu’elle était scolarisée chez les sœurs Saint-Joseph des Cayes-Jacmel.
Selon sa mère, à la suite d’opérations qui ont mal tourné en Haïti et en République dominicaine, le médecin qui la soignait a fait en sorte qu’elle intègre le Centre Saint-Vincent à Port-au-Prince, un établissement spécialisé accueillant les enfants en situation de handicap. Anderla a donc refait la 6ème année fondamentale dans cet établissement avant d’en sortir après l’obtention de son brevet, étant la lauréate de sa promotion. Peu de temps après, elle a intégré l’Institution Éducative Manitanede Luc de Tabarre pour terminer ses études classiques en 2021, puisque le centre spécialisé s’arrêtait à la 9ème année fondamentale.
«De retour définitivement chez moi après huit années d’allers-retours dans le département de l’Ouest, j’ai pris deux années sabbatiques dans mon parcours académique. En 2023, j’ai intégré une école de communication pour étudier le journalisme. En octobre 2024, j’ai passé les épreuves du concours d’admission de l’Université d’État d’Haïti (UEH) et, le 25 novembre, j’ai intégré l’École de droit et des sciences économiques de Jacmel», raconte-t-elle fièrement.
Passionnée par la musique porteuse de messages d’espoir ou dénonçant les abus sociaux, Anderla aime s’entourer de jeunes pour débattre sur différents sujets liés à la vie en société et échanger des conseils. Elle aime griffonner des textes, bien qu’elle ne dispose pas de matériel accessible pour le faire en ce moment. Son rêve est d’écrire un premier livre sur sa vie avant sa déficience et un autre sur sa vision du monde avec son handicap visuel. Elle aspire également à créer des feuilletons, qu’ils soient écrits ou oraux, destinés à être joués.
L’idéal d’Anderla et son message aux jeunes
Anderla Kenny Joseph raconte que devenir juriste est bien plus qu’un rêve : c’est son idéal. Elle espère obtenir son diplôme pour pouvoir prendre la parole au nom de ceux qui n’ont pas de voix et faire entendre leurs doléances auprès des décideurs. Optimiste et déterminée, elle croit fermement qu’elle atteindra son objectif malgré les barrières physiques et sociales qui se dressent devant elle.
Comme l’a si bien dit feu Nelson Mandela, de regrettée mémoire : «L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde.» Anderla s’appuie sur cet adage pour inviter les jeunes, avec ou sans déficience, à prendre au sérieux leurs études et à se former chaque jour pour devenir meilleurs. Elle conseille particulièrement aux personnes en situation de handicap de garder espoir et de se considérer comme des individus utiles et compétents, au même titre que les autres.
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