Ce 12 janvier 2021 ramène à la 11e année depuis le terrible et pas moins meurtrier tremblement de terre qui a ravagé Haïti et causé plus de 222 517 morts et près de 300 000 disparus selon les chiffres officiels. Les dommages matériels et financiers se comptent par millions et aujourd’hui encore, onze années après, les séquelles de ce séisme sont encore bien visibles.
Avant le 12 janvier 2010, le dernier gros tremblement de terre à avoir marqué les annales a été celui du Cap-Haïtien, et qui remonte au 19e siècle. Le 7 Mai 1842, vers 5h 30 de l’après-midi, le Nord de l’île est touché par un tremblement de terre de magnitude 8.1 sur l’échelle de Richter. La ville du Cap est détruite, ainsi que les villes de Port-de-Paix, des Gonaïves, de Fort-Liberté. La moitié de la population du Cap périt. S’ensuivra un terrible tsunami qui fera près de 300 morts de plus.
La faille Septentrionale est désignée comme principale responsable de ce séisme selon les experts. Ayant lentement accumulé de l’énergie, elle était arrivée à son point de rupture. Voilà maintenant 179 ans que cette faille accumule de l’énergie. Son relâchement pourrait causer des séismes de magnitude supérieures à 7, selon l’avis des sismologues. Cependant, ce n’était pas elle qui était responsable du tremblement de terre de janvier 2010.
Le bilan humain du séisme de 2010 a été catastrophique. Enfouis sous les décombres, des milliers de personnes sont restées prisonnières de leurs maisons détruites, de leur travail ou d’autres édifices en béton. Les constructions anarchiques, les infrastructures déficientes voire inexistantes sont les principales causes de ces lourdes pertes humaines. Des étalements urbains à perte de vue, ne respectant aucune norme de construction. Après ce séisme, un semblant de conscience était remarqué du côté de la population et de l’Etat haïtien. Face à l’élan de solidarité mondiale, l’espoir a semblé renaître. On a beaucoup parlé de reconstruction, d’évacuation de camps d’hébergements sommaires qui ont pullulé sur le territoire, au lendemain du cataclysme. Des ONG venant de partout se sont précipitées sur Haïti afin d’assurer ce processus. Mais qu’en est-il réellement, 11 années après?
Une trentaine de pays et une dizaine de grandes organisations internationales ont contribué financièrement aux opérations d’urgence et de reconstruction d’Haïti. Un total de 13 millions de dollars Canadiens devait être versés à cet effet. En 2012, les Nations Unis avaient estimés que 62 % des fonds promis avaient été dépensés.
Après la phase de l’aide d’urgence, des soldats canadiens et américains déployés sur le territoire national ont absorbé près de la moitié des fonds de leurs pays respectifs.
Suite à cela, près de 300 000 Haïtiens ont été employés temporairement pour le déblaiement des espaces publics. Et la fameuse reconstruction majoritairement assurée par les ONG. La croix rouge Canadienne qui a reçu la plus grande partie des dons à tout de même réussi à construire près de 8 000 maisonnettes et 1 hôpital à Jacmel.
Selon un récent rapport du Réseau National de défense des Droits Humains (RNDDH), 26 camps d’hébergements et des sites de relocalisations sont actuellement recensés dans le département de l’Ouest et dans le Sud-Est dont plus d’une vingtaine sont disséminés dans l’Ouest. Si dans les années antérieures, ces abris dits provisoires étaient sous la bannière de comités directeurs, maintenant, la majorité de ces espaces sont privés de gestion communautaire. Insécurité sur ces sites, manque d’eau potable, pas de soins de santé, ces résidents vivent dans la négation de leurs droits fondamentaux et vivent de plein fouet l’insalubrité, l’inconfort et la pauvreté.
Après le séïsme du 12 janvier 2010, d’importants déplacements démographiques ont été remarqués. Une mutation urbaine qui n’est pas sans conséquence et encore moins à sous-estimer. L’urbaniste Rose-May Guignard, qui intervenait à une conférence donnée au cours de la 17e édition du Festival Quatre chemins à Port-au-Prince, a longuement débattu le sujet. De nouvelles villes sont créées suite à ces déplacements démographiques. On peut citer Canaan, Jérusalem, Onaville, ou les constructions sur les collines de Gressier et à Taraz. Toutefois, ces “villes” ne répondent à aucun critère urbain et échappent totalement au contrôle de l’Etat. Le littoral est d’ailleurs surpeuplé, bidonvillisé et constitue le bastion de plusieurs gangs armés.
L’urbaniste s’est dite préoccupée par la vive progression de cette urbanisation non contrôlée. Elle insiste sur le fait que notre urbanisme n’accompagne pas de croissance économique. Nous assistons à une situation similaire où pire que l’avant séïsme car nous avons identifié le danger qui nous guette mais ne faisons rien pour changer la donne.
Alors que la faille Enriquillo-Plantain Garden représente encore un danger pour l’Ouest et plus précisément pour Port-au-Prince car selon l’avis des experts, elle n’a pas relâché toute sa tension en 2010. La faille Septentrionale reste toutefois la plus à craindre car après plus de 179 ans d’accumulation de tension, et compte tenu des dégâts qu’elle avait fait par le passé, les autorités locales devraient vraiment motiver la population du Cap, effectuer des simulations constantes et prévoir des espaces d’abri en cas de tsunami afin de parer à cette éventualité.
Dans une interview accordée à RFI, l’ingénieur et sismologue Claude Prepetit insistait sur les meilleures façons de faire face aux tremblements de terre: contrôler le bâtis et faire l’éducation de la population. Il a déploré le fait que ces normes n’étaient pas appliquées dans le pays, la pauvreté de la population est en partie responsable.
Selon le sismologue, la majorité des constructions de ces 10 dernières années ne respectent pas les normes parasismiques. Donc les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si un séisme identique à celui de 2010 frappait à nouveau le pays, les dégâts ne seraient pas trop différents il y a 11 ans.
Claude Prepetit encourage la population à entretenir le souvenir de ce cataclysme, que nous puissions nous souvenir du passé afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs qui nous ont tant coutées.
Eleine E. Jn Pierre
© Tous droits réservés – Groupe Média MAGHAITI 2021